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une garantie positive, pas un principe reconnu ; partout des anomalies et des contradictions ; un ministère responsable, suivant la lettre de la charte, obligé pourtant d’accueillir des membres irresponsables, de subir les ordres d’une camarilla qui ne paraît point aux chambres, et les gouverne de haut ; — des chambres qui semblent délibérer des lois, et ne font en réalité que des doléances, parce que les puissances étrangères les empêchent d’appuyer leurs votes d’une sanction effective ; — des élections où les députés du peuple sont, après coup, triés par le souverain, qui tantôt appelle les fonctionnaires en masse, comme à Stuttgart, tantôt les exclut de même, comme à Darmstadt, exclusion si capricieuse et si complète, que l’on vit une fois tout un quart de l’assemblée renouvelé de cette manière-là ; — ces fonctionnaires, enfin, livrés sans défense à l’arbitraire, sans une règle fixe qui les protège, sans un avenir assuré qui les attende ; — les magistrats eux-mêmes, les professeurs, réduits à cette indépendance illusoire que l’usage et l’opinion leur accordent, sans qu’ils osent jamais s’y confier, puisqu’ils ne sont pas légalement inamovibles. L’usage, l’opinion, tel est le seul recours qui subsiste contre le pouvoir absolu des princes constitutionnels. La plupart, il est vrai, ménagent cette suprême justice, et ils font bien ; ce n’est pas bonté, c’est sagesse. La force ne réussit point partout ; la force a pu l’emporter en Hanovre, chez un peuple à peine sorti des entraves féodales ; mais en Bade, mais en Wurtemberg, un éclat brutal serait le signal d’une résistance désespérée. » - « Allez, me disait M. Welker, tâchez qu’on sache en France un peu de vérité sur l’Allemagne ! » Et il me raconta le procès de Jordan. Je ne connais pas d’exemple plus saisissant des horribles abus de ce despotisme paternel qui, de frayeur en frayeur et d’exigences en exigences, brise les liens les plus sacrés de la vie sociale, sous prétexte de sauver l’ordre politique. J’ai souvent depuis entendu cette lamentable histoire ; j’en ai recueilli les preuves, j’en ai étudié les iniquités ; je veux les dénoncer dans toute leur laideur. C’est le devoir d’un honnête homme, quand il apprend de pareilles choses, de les répéter partout où il peut, et le plus haut qu’il peut ; si faible soit-elle et si mal écoutée, sa parole reste, et fait une preuve de plus au jour de la justice.

Lorsque la révolution de juillet eut remué l’Allemagne, les gouvernemens s’aperçurent bientôt qu’ils trouvaient devant eux deux sortes d’adversaires. C’étaient d’abord ces conspirateurs romantiques, derniers dépositaires des belles imaginations du Tugend-Bund, qui rêvaient république teutonne avec la simplicité chevaleresque des brigands de Schiller. Il y avait parmi ceux-là des niais, des fous, des traîtres, des cœurs généreux, pas un esprit juste : on en eut vite raison, et ils vinrent misérablement échouer à Francfort. Dans tout ce complot, dont le foyer embrassait le Wurtemberg et les deux Hesses, il n’est guère qu’un seul