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des Arabes une action sensible ; mais encore faudrait-il que ces avantages, que nous ne méconnaissons pas, ne fussent pas achetés par une infraction évidente aux règles du gouvernement représentatif et aux intérêts manifestes du pays. On comprend qu’un prince de la maison royale exerce les fonctions de gouverneur-général d’Afrique sous la responsabilité du ministre de la guerre, dans les conditions où les exerce aujourd’hui M. le maréchal Bugeaud lui-même, et les principes ne sont pas plus violés s’il gouverne l’Algérie tout entière que s’il n’en administre qu’une seule province comme lieutenant-général ; mais on ne comprendrait pas assurément une vice-royauté régie d’après des bases toutes différentes de celles qui président, au sein du royaume, à la distribution des pouvoirs ; et dans un pareil ordre de choses les difficultés seraient d’une telle nature, qu’aucun cabinet prévoyant ne saurait consentir à les affronter. La discussion des affaires d’Algérie sera le dernier débat important de la session, et rien n’empêchera le ministère de fixer les élections générales à la première quinzaine de juillet.

La chambre n’a porté à la discussion du traité belge qu’une attention distraite. La question politique a couvert à ses yeux les vices de la convention, et elle a préféré des stipulations inégales au péril d’une alliance du gouvernement belge avec l’Allemagne. Nous désirons que la ratification du traité par notre parlement écarte au moins ce péril ; cependant il règne à cette heure une telle incertitude sur l’issue de la crise ministérielle où sont engagés nos voisins, qu’il serait difficile de compter sur l’avenir dans une transaction politique avec la Belgique. Les deux partis qui formaient l’union en 1829 sont en ce pays dans un tel équilibre, que, lorsqu’ils ne parviennent pas à s’entendre et à transiger, le gouvernement semble devenir impossible. Les libéraux sont aussi incapables de porter le poids des affaires en ayant contre eux les catholiques que ceux-ci en étant obligés de lutter contre les libéraux : voilà pourquoi l’administration de M. Nothomb était si utile à la Belgique, et pourquoi sa chute a préparé une crise qui semble sans issue. M. Van de Weyer a représenté avec moins de bonheur cet équilibre, que la prudence du roi Léopold s’efforce en vain de maintenir. Espérons pour la jeune monarchie belge que la dernière chance n’est pas perdue, et que la transaction sera reprise sous des conditions nouvelles et peut-être avec des hommes nouveaux : il n’y aurait hors de là qu’impuissance et péril.

Une crise inexplicable partout ailleurs qu’en Espagne est venue ramener sur ce triste pays toutes les sollicitudes et toutes les pensées. Jamais révolution n’a mieux justifié le titre d’effet sans cause, jamais on ne s’est joué plus audacieusement de la morale publique et des lois. L’Espagne entrait enfin en possession de son avenir : le parti modéré, éclairé par l’expérience et grossi par vingt-cinq ans de malheurs publics, était enfin installé aux affaires, essayant de donner pour la première fois au pays le spectacle du respect de la légalité dans le gouvernement et de la probité dans l’administration des finances. Si un budget régulier était venu lui révéler pour la première fois l’étendue de ses charges, il lui avait montré, d’un autre côté, la grandeur de ses ressources. Les réformes opérées par MM. Mon et Pidal, après avoir blessé de nombreux intérêts et des habitudes séculaires, étaient acceptées en silence et ne rencontraient plus de résistances sérieuses. La loi des ayuntamientos, qui, quelques années auparavant, avait provoqué une révolution, était appliquée depuis les Pyrénées jusqu’au