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l’animal ; mais cet état, combien n’est-il pas fragile ! mais cet équilibre, combien n’est-il pas instable ! mais cette ordonnance que la théorie des causes finales a si long-temps présentée comme un chef-d’œuvre, combien n’est-elle pas défectueuse ! C’est un point suffisamment démontré par les innombrables maladies qui affligent les espèces vivantes.

Si les particules qui sont entrées dans le corps continuaient à garder leurs propriétés, l’animal, avec le sang qui les reçoit et qui les rend, pourrait, une fois adulte, se clore et s’entretenir de sa propre substance, sans avoir besoin d’une introduction continuelle de matériaux étrangers ; mais il n’en est pas ainsi. Ces particules, après avoir vécu un certain temps, perdent toute aptitude à vivre ultérieurement, et il faut que le liquide nourricier en soit débarrassé par quelqu’une des voies qui sont ouvertes au dehors. Dès-lors cette soustraction incessante amène la nécessité d’une réparation non moins continue, afin que le fleuve qui alimente se trouve toujours au même niveau. Cette condition fait ressembler un organisme vivant à nos machines à feu, sauf le moteur, qui, dans le premier cas, est l’agent vital, et dans le second une force mécanique. De même que le foyer exige un approvisionnement continuellement renouvelé de combustible, de même il faut au poumon, véritable foyer de l’animal, un apport incessant de matières. Ces matières sont de trois sortes : des substances organiques, végétales ou animales, pénétrant par la voie des intestins dans le courant circulatoire ; de l’eau, qui suit le même trajet ; enfin de l’air, absorbé par le sang à travers les délicates membranes des canaux pulmonaires. A chaque aspiration, de l’air est combiné, de la chaleur est produite, et ainsi fonctionne la machine avec ses trois sensations concomitantes de la réparation, à savoir la faim, la soif et le besoin de respirer.

A la vue de ces actions chimiques qui ne cessent jamais, de ces liqueurs qui circulent dans d’étroits canaux, à la vue de solides toujours si près de devenir liquides et de liquides toujours si près de devenir solides, on comprend combien l’être vivant est susceptible de subir des modifications et des dérangemens. C’est pour cette cause que, soumis aux influences diverses des climats, il éprouve des changemens si considérables ; c’est pour cette cause qu’assujetti aux mille influences de l’alimentation et des habitudes, il en reçoit l’empreinte ; c’est pour cette cause enfin que tant de maladies viennent l’assaillir, car qu’est la maladie, sinon une modification portée au-delà de la limite des oscillations compatibles avec la santé ?

Parmi les substances qui constituent le globe terrestre, il en est bon nombre qui sont délétères : des minéraux, des acides, des alcalis, des sels, en contact, sous forme solide, liquide ou gazeuse, avec l’organisme animal, produisent des désordres divers et la mort. Le règne végétal n’est pas moins mi-parti, et il offre, lui aussi, des agens excessivement