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deux choses, propriétés et tissus, sont inséparablement unies. Il se fit une véritable éclaircie dans la science, quand Bichat, au sein d’une masse jusqu’alors confuse, établit ses mémorables distinctions. Aux yeux de ce génie, si heureusement doué pour les explorations biologiques, apparurent les analogies caractéristiques, et il put résoudre le corps vivant en un assemblage de tissus pourvus d’une organisation et d’une fonction spéciales. Quelques transformations qu’ils subissent, il les suivit partout. La méthode comparative, qui est l’instrument principal de la biologie, se trouva bien plus puissante, et sans retard elle fit, dans la pathologie, mettre le doigt sur des solutions inespérées, montrant toute une classe de rapports complètement méconnus. Là ne s’arrêta pas l’effet de cette grande découverte. L’étude positive de la matière vivante acquit dès-lors une force irrésistible, et l’on se mit partout en quête des voies et moyens par lesquels s’effectuent les opérations dans les corps animés. Avec quel succès, c’est ce que peut témoigner chacun de nous qui avons commencé, il y a vingt-cinq ou trente ans, nos études. La science s’est, à la lettre, renouvelée sous nos yeux.


V. — DU SYSTÈME MUSCULAIRE.

A côté du système nerveux doué de la sensibilité, M. Müller place, dans son quatrième livre, le tissu musculaire doué de l’irritabilité. Tandis que le premier est sensible, c’est-à-dire accomplit, soit comme centre, soit comme conducteur, tous les actes, depuis la sensation jusqu’à l’intelligence, l’autre est irritable, c’est-à-dire se contracte et se raccourcit sous l’action des agens qui le stimulent. Son stimulant le plus ordinaire est le système nerveux, avec lequel il est en rapport par les cordons spécialement chargés de la conduite de la volonté. Tels sont les deux grands systèmes qui appartiennent en propre à l’animal. Si on y joint le tissu cellulaire, duquel le règne végétal est uniquement composé, et qui, sous diverses modifications, constitue la plus grande partie des organismes animaux, on aura partagé en trois fonctions capitales et en trois formes essentielles toute la nature vivante. Le tissu cellulaire est, comme le témoignent les végétaux, l’agent essentiel de la nutrition ; le tissu nerveux préside à tous les actes de la sensibilité, et la fibre musculaire, contractile, met l’animal en état d’exécuter ses volontés. Cette grande division, fondée aussi bien sur l’observation anatomique que sur l’observation physiologique, est devenue une des bases de la science, et ne peut plus être abandonnée. Cependant, à qui l’examinera de près, se présentera une difficulté qui fera soupçonner la possibilité d’aller plus loin. Le tissu musculaire et le tissu nerveux ne sont aucunement soustraits à la nutrition, et, tout en jouissant de propriétés spéciales, ils possèdent la propriété commune à toute substance vivante. Dès-lors on avait quelque