Page:Revue des Deux Mondes - 1846 - tome 14.djvu/238

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

les globes planétaires. C’est dans le temps que se meut la vie ; l’arbre, tout immobile qu’il est à sa place, n’en accomplit pas moins son voyage à travers les années et les siècles, et il va, lui aussi, de l’enfance à la décrépitude. Le temps est l’espace, si je puis m’exprimer ainsi, où agit la force vitale. Chaque existence individuelle croît d’abord avec une rapidité inouie, se ralentit peu à peu, parvient à son point culminant, puis décroît de plus en plus rapidement, jusqu’à ce qu’elle rentre dans l’immobilité d’où elle était partie, décrivant ainsi une sorte de parabole dans le temps, comme les projectiles en décrivent une dans l’espace.

Quelque divers que soient les procédés de la génération, ils équivalent tous, en définitive, à une véritable scission. Ce qui arrive lorsqu’on plante un scion d’un arbre arrive aussi lorsque dans un animal un nouvel être se produit. C’est toujours la séparation d’une substance animée portant en elle la faculté de croître conformément au type de l’espèce. Ce caractère, digne de la plus sérieuse attention, est un de ceux qui appartiennent essentiellement à la vie, et qui la distinguent profondément de toutes les autres propriétés de la matière. L’organisme n’a pas seulement la faculté de s’entretenir jusqu’au terme fixé par les conditions individuelles ; mais il a aussi celle de déposer dans une partie de lui-même, bourgeon ou ovule, une aptitude à se développer. La fécondation, dans le règne vivant, n’est qu’un cas particulier. Chez les végétaux, et même chez certains animaux, les bourgeons ont la vertu de reproduire le type de l’espèce aussi bien que l’ovule fécondé. Le bourgeon et l’ovule ne sont que des cellules primitives, et, pour complément d’analogie, ces deux modes marchent d’un pas égal : dès que la plante pousse un rejeton, les germes des bourgeons prochains surgissent, et à côté de ceux de l’année présente on voit poindre ceux de l’année qui vient ; de même on trouve déjà dans l’ovaire de l’enfant les germes d’une nouvelle génération.

A la reproduction se rattache l’hérédité, faculté importante à connaître, importante à consulter. Jusqu’à présent elle n’est guère intervenue dans les relations des hommes ; seulement les médecins ont élevé la voix pour faire comprendre quelques-unes des conséquences qu’elle entraîne. De fait aussi, le sujet est peu étudié, et les principes en sont épars. On peut le recommander sans crainte à la méditation des biologistes ; certainement ils y trouveront de quoi récompenser leurs efforts.

L’hérédité se meut constamment entre deux influences, l’une qui tend à conserver le type de l’espèce, l’autre qui tend à le modifier. La première est la force déposée par l’organisme dans le germe ; la seconde se compose de toutes les conditions éventuelles qui agissent sur l’individu. Que l’on suppose des blancs s’établissant parmi une population noire, ou des noirs parmi une population blanche, et se croisant par les mariages. Au bout d’un certain temps plus ou moins long, les