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il a demandé que la flotte à vapeur fût portée à cent bâtimens au lieu de soixante-dix, qu’elle offrait jusqu’à ce jour. C’est un ensemble représentant une force de vingt-huit mille chevaux de vapeur. Les Anglais n’en ont que trente mille dans leur marine royale : il faudrait, il est vrai, ajouter à celle-ci les innombrables ressources que leur offrirait le matériel commercial à vapeur en cas de guerre. Quoi qu’il en soit, on s’est généralement accordé à reconnaître que les supputations arrêtées par la commission spéciale et acceptées par M. de Mackau étaient satisfaisantes. Sur ce point, la commission de la chambre accepte le projet ministériel.

C’est sur le matériel de la flotte à voile et sur le maintien des chiffres consacrés par une longue expérience que deux systèmes se sont produits, et que les propositions du ministre ont subi de notables réductions. Il demandait cent quatre-vingts bâtimens légers, la commission n’en accorde que cent trente-six ; il réclamait soixante-six frégates à flot ou en chantier, on lui en accorde cinquante-cinq seulement ; enfin il maintenait le nombre de quarante vaisseaux moitié à flot, moitié en chantier au vingt-deux vingt-quatrième d’avancement, et demandait de plus une troisième réserve à un degré de construction moins avancé : la commission n’accorde que trente-six vaisseaux, dont vingt-quatre à flot et douze en chantier. En ajoutant aux constructions qu’elle accepte les dépenses nécessaires pour l’établissement de machines à vapeur à bord de quelques vaisseaux mixtes destinés à la protection de notre littoral, et pour la création de deux batteries flottantes destinées à l’embouchure de nos grands fleuves, la supputation totale des dépenses qu’elle propose d’autoriser monterait à 73 millions. Le projet primitif du ministre, tel qu’il a été soumis d’abord à la chambre, comporte une dépense de 93,100,000 francs. Comme M. de Mackau paraît accepter une partie des réductions réclamées, particulièrement sur les bâtimens légers, la différence entre son projet et celui de la commission porte sur une somme de 7 millions destinés aux vaisseaux de ligne et aux frégates. Le projet ministériel répartissant la dépense totale sur sept exercices à partir de 1845, on voit qu’il s’agit d’une annuité d’un million pendant sept années, et que c’est pour une bien mesquine économie que la commission dont M. le contre-amiral Hernoux est l’organe entend faire descendre notre marine de premier rang au-dessous de l’effectif normal fixé par le baron Portal en 1820, et maintenu depuis 1830 par tous les ministres qui se sont succédé au département de la marine.

Il était impossible qu’une telle réduction ne rencontrât pas de vives résistances dans toutes les parties de la chambre, et que l’on consentît sans débat à diminuer ce qui constitue notre principale force militaire, pour attendre les éventualités de l’avenir et les progrès que la vapeur est appelée à faire faire à la stratégie navale. M. de Carné s’est efforcé de démontrer que la grosse marine à voile est encore la principale force dont puissent disposer des puissances belligérantes, et que jusqu’à présent les bâtimens à vapeur ont servi plutôt comme des remorqueurs précieux que comme de véritables machines de combat. M. Ducos s’est rendu l’habile interprète des sentimens du commerce maritime, justement inquiet et blessé de voir prévaloir des pensées d’économie en présence du plus grand intérêt national, et l’honorable député de la Gironde, si compétent sur ces matières, a rassuré la chambre sur la diminution du personnel maritime, diminution dont la commission se fait un argument en faveur des réductions qu’elle