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C’était un nouveau mannequin que Dhyan proposait à la place de Shere-Sing. Ajit, déçu dans ses espérances, ne recula pas devant un nouveau meurtre, et assassina Dhyan-Sing d’un coup de pistolet. Lui-même périt bientôt sous les coups des frères et des fils de Dhyan, qui l’immolèrent aux mânes de leur parent, et ainsi fut changée, par une série de meurtres, la situation de l’empire.

Le dénouement de ce sanglant conflit était tout à l’avantage de la ranie Chanda. En apparence elle perdait un protecteur dans la personne de Dhyan-Sing ; mais, en réalité, elle était débarrassée du plus dangereux ennemi de son fils, qui n’aurait pas manqué de faire périr la mère et l’enfant dès que les circonstances auraient favorisé sa propre élévation ; du même coup, elle se trouvait délivrée de la concurrence d’Ajit-Sing. Dès le mois d’octobre 1843, l’enfant Dhalip-Sing se trouva donc installé sur le trône, avec sa mère pour régente du royaume, et celle-ci ayant pour premier ministre le fameux Hira-Sing, fils aîné de Dhyan.

Cet Hira-Sing, âgé seulement de vingt-cinq ans, succédait, il est vrai, à toutes les vues et à toute l’ambition de son père avec autant de courage et peut-être encore plus de talent ; mais il s’appuyait sur une base bien moins ferme et bien moins large. Outre la jalousie de toute la famille de la ranie, il avait désormais à combattre celle de ses propres oncles, qui s’étaient toujours inclinés devant la supériorité de son père, mais qui n’étaient nullement disposés à reconnaître la sienne. Il avait surtout à craindre la basse envie de son oncle Soucheyt, esprit étroit et plus avide de la pompe que de la réalité du pouvoir. Enfin, au milieu de tout cela, plus que tout cela, il avait contre lui les intrigues, à peine secrètes, de lord Ellenborough, qui tenait alors le gouvernement de l’Inde anglaise, et qui, mu par une politique tout-à-fait différente de celle de son successeur, ne rêvant que victoires et conquêtes, attisant partout le feu des guerres civiles, semblait s’appliquer à tout embrouiller, et à multiplier, pour ainsi dire, des nœuds gordiens qu’il pût trancher à la façon d’Alexandre.

Pendant quatorze mois, Hira-Sing lutta contre tous ces obstacles avec une incroyable énergie. A chaque instant sur le bord d’un abîme, on le voyait chaque fois s’en tirer à force de courage et de sang-froid ; mais cela ne pouvait durer toujours. Trahi par la cour, où Jowahir-Sing (le propre frère de la reine) ourdissait sans cesse contre lui de nouveaux complots, et cherchait à lui dérober la tutelle du jeune roi ; trahi par son oncle Soucheyt, qui périt en s’efforçant de lui enlever l’armée dans une émeute ; attaqué ouvertement par Cashmira et Peshora-Sing, deux enfans adoptifs de Rundjet, qui levaient l’étendard de la révolte pour leur propre compte ; après avoir triomphé de vingt conspirations, Hira-Sing vint échouer contre un écueil, le moins apparent, mais le plus dangereux