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dans le cabinet n’a pas surpris la religion du parti de la paix, que je ne serai pas appelé à faire des démarches pénibles, et que je pourrai continuer cette négociation avec la sécurité et la confiance que j’ai toujours ressenties en agissant sous la direction de M. Pitt. »

Et il écrivait encore : « Pour l’amour du ciel, empêchez que le seul homme en Angleterre, peut-être en Europe, qui, voyant juste, peut agir efficacement, soit entraîné à abandonner le principe qu’il a posé il y a deux mois, Qu’il ne se laisse pas abuser par de faux rapports sur un changement dans la situation et les sentimens de ce pays. »

Lord Malmesbury, comme on le voit, espéra jusqu’au dernier moment arriver à un résultat heureux ; mais la nouvelle révolution depuis si Iong-temps imminente éclata à Paris, et le coup d’état du 18 fructidor vint détruire de fond en comble l’œuvre des négociateurs. Le plénipotentiaire anglais était très exactement renseigné sur ce qui se passait à Paris, comme le prouvent les lettres qu’il recevait. Dans une de ces lettres, anonyme, et datée de Paris, le 17 fructidor, il était dit (en français) :

« Talleyrand est toujours persuadé que le directoire fera la paix avec l’Angleterre, à peu près aux conditions déjà énoncées, pourvu que nous n’ayons pas ici auparavant une explosion ; car s’il y en avait une, comme, vu le dénuement des forces des deux conseils et la non-formation de la garde nationale, la victoire resterait presque certainement au directoire, qui a pour lui les nombreuses troupes de Paris et des environs, les dispositions actuelles du directoire changeraient presque infailliblement relativement à la paix avec l’Angleterre… Je vous donne pour certain que Rewbell et Barras se sont, il y a deux jours, presque formellement déclarés à cet égard. Je tiens de part sûre qu’ils ont dit que sans les tracasseries des conseils ils ne se montreraient pas si faciles pour la paix avec l’Angleterre… Mais ne perdez pas de vue que ce n’est qu’une hypothèse, dans le cas où il y aurait combat et triomphe pour eux ; car, tant qu’il y aura lutte, ils persistent à croire que les deux paix (avec l’Angleterre et avec l’Autriche) valent mieux pour eux… Laréveillère, d’ailleurs, les y forcerait, comme il l’a fait pour Mantoue, en se joignant à Carnot et à Barthélemy pour ce seul objet, car, lui, il croit la paix nécessaire avec l’Angleterre et l’Autriche. Il préfère les cessions à la guerre. Vous n’avez pas d’idée à quel point il est jaloux de l’honneur de mettre son nom, comme président du directoire, au bas de la paix générale. Ces petits calculs d’amour-propre influent souvent beaucoup sur la destinée des états. Rewbell et Barras haïssent l’Angleterre comme un ennemi personnel, parce que l’orgueil anglais est le seul qui n’ait pas ployé devant le leur ; les jacobins ont tous le même sentiment contre une puissance qui les a toujours molestés et tourmentés…

« … Pendant que les conseils baissent leur ton, le directoire en prend