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par eux-mêmes. En second lieu, pendant long-temps rien ne fut moins déterminé que les limites de la région comprise sous le nom de Gaule. Diodore, par exemple, l’étend jusqu’au-delà du Danube ; quand il vient à parler du climat de cette contrée, on ne sait donc s’il est question du climat de Bayonne ou de celui des bords du Rhin, du climat de Brest ou de celui des rives du Danube, entre lesquels il a dû toujours exister des différences bien tranchées. C’étaient là des difficultés assez graves, et elles auraient dû arrêter les faiseurs de systèmes. Cependant l’Académie des Sciences était saisie en 1845 d’un mémoire de M. Fuster sur la question de l’ancien climat de la France. Ce mémoire a servi de base à un gros volume que l’auteur vient de publier, et où il expose très en détail les résultats des recherches auxquelles il s’est livré.

Dans les premiers chapitres de son livre, M. Fuster soutient que le climat de la Gaule, très froid du temps de César, s’échauffa peu à peu jusqu’au VIe siècle, et, pour le démontrer, il a rassemblé un grand nombre de passages grecs et latins dont plusieurs ont le défaut de ne prouver absolument rien. Ainsi, qu’Aristote prétende que l’âne ne naît pas en Gaule, parce que la Gaule est une région froide ; que Cicéron s’écrie en plein sénat : « Quoi de plus âpre que ces contrées ! » que Pétrone dise : « Je restai plus froid qu’un hiver de la Gaule ; » que Polybe, Tite-Live, Silius Italicus, Claudien, décrivent plus ou moins poétiquement les glaces et les neiges des Alpes et des Pyrénées, de tout cela on ne peut raisonnablement tirer aucune conclusion, malgré le dire de M. Fuster qui semble y avoir attaché une grande importance. Toutefois il a invoqué des textes plus sérieux pour soutenir les trois faits principaux sur lesquels il appuie sa théorie, savoir : la congélation fréquente des fleuves et des rivières, l’époque tardive de l’entrée des troupes en campagne, l’extension progressive de la culture de la vigne ; mais une vérification scrupuleuse des textes qu’il a cités nous autorise à contester tous les résultats auxquels il annonce être parvenu, car les erreurs et les inexactitudes fourmillent dans son livre. Nous ne citerons qu’un exemple. Voulant prouver que les fleuves de la Gaule gelaient très fréquemment, M. Fuster allègue le témoignage de Diodore de Sicile, dans la bouche duquel il met ces paroles : « Toutes les rivières navigables de la Gaule, sans en excepter le Rhône, gèlent aisément. » Prenant ensuite cette assertion pour point de départ, il n’hésite pas à calculer l’intensité du froid nécessaire pour la congélation du Rhône, puis le maximum moyen du froid de la Gaule. Malheureusement, pour arriver à ces résultats curieux, il a fallu dénaturer singulièrement la pensée de l’historien grec. Diodore en effet, après avoir énuméré parmi les fleuves de la Gaule le Rhône, le Rhin et même le Danube, se borne à dire : « Il y a encore beaucoup d’autres fleuves navigables : presque tous gèlent de manière à former un pont sur leurs eaux. » Les deux passages, on le voit, ne se ressemblent guère. Les mots aisément et sans excepter le Rhône, sur lesquels repose toute l’argumentation de M. Fuster, nous ne les avons rencontrés que dans sa traduction.

M. Fuster n’a pas été plus heureux avec le moyen-âge qu’avec l’antiquité. Suivant lui, le climat de la France s’échauffa progressivement depuis le VIe siècle jusqu’à la fin du vraie, puis se refroidit de nouveau à partir de cette époque. « L’élévation de la température, dit-il, résulte des faits très suivis observés par