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les enrichir en leur donnant plus d’ampleur et de souplesse. M. Maindron a cru pouvoir s’en tenir à la reproduction littérale de la réalité, il s’est borné à copier ce qu’il avait devant les yeux, et, selon nous, il s’est trompé. L’attitude du personnage est bonne, la tête pense, les mains sont traitées avec largeur ; mais le vêtement n’a pas l’ampleur et la souplesse que l’auteur pouvait leur donner. Les plis du pantalon sont disposés avec une symétrie qu’il eût été facile de corriger. Quant à la redingote, elle a dans quelques parties la raideur d’une lame de tôle. J’ai dit que la tête pense, et en effet elle a toute la gravité que le sujet demandait. Le front est modelé habilement, sans exagération. Les lèvres ont de la finesse. Je regrette seulement que M. Maindron, sans doute pour donner au regard un caractère plus réfléchi, ait exagéré outre mesure l’épaisseur de la paupière supérieure. S’il veut obtenir dans la statuaire une renommée durable, il doit renoncer sans retour à confondre, comme il l’a fait trop souvent jusqu’ici, les devoirs de son art et ceux de la peinture. Il cherche des effets que le pinceau peut seul atteindre et doit seul se proposer. Le regard de Senefelder, tel qu’il l’a conçu, tel qu’il a voulu le rendre sans y réussir, aurait pu se traduire sur la toile. La pierre et le marbre ne peuvent lutter sans désavantage avec la couleur. C’est une vérité que nous ne devons pas nous lasser de répéter, puisqu’elle est encore méconnue par un si grand nombre de sculpteurs. Il y a dans l’ouvrage de M. Maindron des qualités précieuses que nous signalons avec plaisir. Quant aux reproches que nous lui adressons, nous les croyons fondés et nous les formulons sans hésiter. Que M. Maindron persévère courageusement dans la voie studieuse qu’il a choisie ; qu’il s’efforce d’allier à la simplicité, qu’il possède dès à présent, la grandeur et la noblesse, dont il ne paraît pas se préoccuper assez, et ses ouvrages obtiendront une légitime popularité. Nous serions heureux si nos conseils pouvaient l’éclairer sur la véritable étendue de sa tâche, sur le véritable but de son art. Nous espérons qu’il verra dans notre franchise une preuve de l’intérêt que son talent nous inspire.

Le Christ de M. Bion n’a de monumental que sa dimension. La tête, nous sommes forcé de le dire, est d’une parfaite insignifiance. Ses précédens ouvrages ne nous avaient pas habitué à la négligence avec laquelle sont traitées les différentes parties de cette statue. Il semble que l’auteur n’ait vu dans cette figure colossale que l’occasion d’ajuster une draperie. L’expression du visage est tellement nulle, qu’on est tenté de croire que M. Bion n’a voulu lui donner aucune importance. Et cependant une telle supposition ne peut être admise. Quel sentiment se peint sur le visage du Christ ? Je ne me chargerais pas de le deviner. Quant à la draperie, dans l’ajustement de laquelle M. Bion paraît avoir concentré toute son attention, elle manque d’élégance et de grandeur. Les lignes sont ordonnées de façon à former des sacs multipliés, mais n’accusent