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de cette transformation ; mais, s’il ne l’a pas vue de ses yeux, comment les amis d’Artot n’ont-ils pas insisté pour qu’il en tînt compte ?

Le buste de M. Provost, de M. Feuchères, mérite une partie des reproches que je viens d’adresser à l’œuvre de M. Desprez. C’est à coup sûr un portrait ressemblant ; la physionomie de M. Provost est tellement caractérisée, que l’auteur a dû la saisir sans difficulté. Malheureusement il n’a pas su tirer de cette physionomie tout le parti qu’on pouvait espérer. Il n’a pas reproduit assez vivement l’expression sardonique du visage de son modèle. Toutefois ce portrait mérite des éloges, car il est étudié avec soin, et, s’il n’a pas toute la finesse que nous pourrions désirer, il ne manque pas d’une certaine vérité.

M. Bonnassieux a fait preuve de savoir dans les bustes de M. Terme et de Mme la duchesse de C. Je regrette seulement qu’il n’ait pas donné à la tête de Mme de C. un peu plus de fermeté, et à celle de M. Terme un peu moins de sécheresse. Ces deux bustes, recommandables sous plusieurs rapports, n’ont peut-être pas toute l’élégance qu’ils auraient, si l’auteur eût adopté ce parti.

M. Desnoyers a gravé la Vierge de Dresde, dite de Saint-Sixte. On ne peut nier que ce travail ne soit exécuté avec un soin studieux ; mais il est permis de douter qu’il reproduise fidèlement le caractère de l’original. L’auteur nous apprend qu’il a fait sa gravure d’après une copie à l’huile peinte par lui-même. Je crois que cette manière de procéder est condamnée par la raison. Nous savons en effet quel est le talent de M. Desnoyers comme graveur ; comme peintre, il nous est entièrement inconnu, et l’on peut supposer sans présomption que, s’il se fût contenté de faire un dessin avant de commencer sa gravure, et surtout s’il l’eût terminée en présence de l’original, nous aurions aujourd’hui une gravure moins froide et moins sèche. Je me souviens d’avoir vu une gravure de la Vierge de Dresde faite, je crois, par Müller, où les traits de burin n’avaient peut-être pas la même régularité, mais qui avait certainement plus de grandeur et de vie.

Le portrait du duc d’Orléans, gravé par M. Calamatta d’après M. Ingres, est un ouvrage remarquable et digne du nom de l’auteur. La tête est modelée avec fermeté. Les yeux sont bien enclavés, les lèvres ont de la finesse. Peut-être la saillie du menton est-elle un peu exagérée. Quant au parti adopté pour le vêtement, il est d’un effet sûr et plaira, parce qu’il contraste heureusement avec le ton de la tête. Cependant, je l’avouerai, j’aimerais mieux un travail plus varié, qui exprimerait mieux la forme du corps. La main gauche, qui est gantée, n’a pas non plus toute l’élégance, toute la précision qu’on pourrait souhaiter. Quant à la main droite, qui est nue, on ne saurait trop louer la science avec laquelle M. Calamatta en a rendu tous les détails. Un peintre doit s’estimer heureux de rencontrer un tel interprète.