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avec les yeux de l’esprit. Il a su peindre ces grands spectacles dans un style élevé et pittoresque, et tous ceux qui ont pu lire dans l’original les pages éloquentes qu’il leur a consacrées, tous, jusqu’à ses adversaires en politique et en philosophie, sont unanimes pour reconnaître que l’auteur du Cosmos n’est pas resté au-dessous de la tâche qu’il s’était imposée, tous s’accordent pour le placer au rang des meilleurs écrivains de l’Allemagne, pour le comparer, sous ce rapport, à notre immortel Buffon.

Trop peu familier avec la langue allemande pour jouir de ces beautés originales, il nous est malheureusement impossible d’apprécier l’effet général produit par Cosmos dans sa langue primitive. Obligé par conséquent de nous placer au point de vue du lecteur français, de juger presque uniquement en savant, nous ne pouvons nous empêcher d’éprouver quelque regret du mode d’exposition employé par M. de Humboldt. Certes, le style descriptif offre de grands avantages : il permet de frapper l’esprit du lecteur par de vives et fortes images, il se prête admirablement bien à l’expression de ces larges idées que l’auteur se proposait surtout de présenter ; mais cette manière d’écrire a aussi ses inconvéniens. Dans un travail scientifique, il est impossible d’échapper entièrement à la discussion des détails, et alors l’adoption d’une autre forme devient impérieusement obligatoire. C’est ce qu’a très bien senti M. de Humboldt lui-même. Dans les premières parties de son livre, on trouve quelques digressions qui tranchent sur le reste de l’ouvrage et que personne ne regrettera d’y rencontrer. Nous citerons surtout les pages relatives à l’histoire physique des comètes, à celle des étoiles filantes. Ces résumés de faits précis, choisis et groupés avec talent, attachent et instruisent réellement le lecteur, qui n’en est que plus facilement conduit à adopter les conclusions générales, et, s’il nous est permis d’exprimer un regret, c’est que de pareils passages ne soient pas plus multipliés. Trop souvent, ce nous semble, la nécessité de se resserrer pour ne pas nuire à l’effet d’un tableau a entraîné l’auteur à parler par allusion, et le nom d’un savant, le titre d’un ouvrage, remplacent, mais bien imparfaitement, l’exposé au moins succinct des découvertes ou des faits.

Les notes placées à la fin du texte, et qui occupent un bon quart du volume, sont destinées sans doute à suppléer aux sacrifices nécessités par les exigences du style. Elles témoignent d’une rare et consciencieuse érudition, mais elles sont trop incomplètes. Un bien petit nombre d’entre elles renferme quelques courtes citations ou quelques développemens ; l’immense majorité consiste en de simples renvois. Pour que ces notes pussent être réellement utiles au lecteur, il faudrait qu’il eût sous sa main une bibliothèque comme n’en possède aucun particulier, comme on en trouverait peut-être difficilement dans la plupart des établissemens publics. Demander qu’on remplace ces indications,