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et les lignes isochimènes ou isothères ne coupent jamais deux lignes isothermes séparées l’une de l’autre par plus de cinq degrés de chaleur.

Si, laissant un instant de côté les lois générales de la distribution du calorique terrestre, nous cherchons quels sont les maximums de froid et de chaud observés à la surface du globe, nous trouverons entre ces deux extrêmes une différence bien plus grande qu’on ne serait peut-être tenté de le croire. Aucun voyageur n’ayant encore atteint les pôles, nous pouvons seulement présumer que, pendant les six mois de nuit qui les enveloppent, leur température doit être à peu près égale à celle des espaces interplanétaires, et celle-ci a été déterminée par Fourier comme devant être d’environ 60 degrés au-dessous de zéro. Quelques hardis navigateurs ont approché de bien près cette limite. Le capitaine Parry, dans son hivernage à l’île Melville, a vu le mercure geler naturellement pendant cinq mois de l’année ; le capitaine Franklin, au fort Entreprise, a observé un froid de près de 50 degrés. Il ne paraît pas que ces températures, dont nos plus redoutables hivers sont loin de donner une idée, soient bien difficiles à supporter pour un homme sain et chaudement vêtu. Ces régions désolées sont peuplées par les Esquimaux. Le capitaine Parry assure que les Européens eux-mêmes peuvent, lorsque le temps est parfaitement calme, se promener sans souffrance par un froid de 46 degrés ; mais le moindre souffle d’air provoque presque immédiatement chez eux des douleurs cuisantes à la face et de violens maux de tête.

Le maximum de la chaleur n’est pas moins éloigné que celui du froid des limites habituellement observées dans nos zones tempérées. En discutant un grand nombre de faits recueillis par divers observateurs, M. Arago a reconnu, il est vrai, qu’un thermomètre ne dépasse jamais le 46e degré au-dessus de zéro, pourvu qu’il soit exposé à l’air libre, à quelques pieds au-dessus du sol, et à l’abri de toute réverbération ; mais on comprend que certaines circonstances locales peuvent élever accidentellement cette limite. Il paraîtrait qu’au Caire on l’a vue s’étendre jusqu’à 50 degrés. M. Ruppel, voyageur moderne très distingué, nous a assuré avoir supporté sur les bords de la mer Rouge, et par un temps couvert, une chaleur de 42 degrés Réaumur correspondant à 52,5 degrés du thermomètre centigrade ; enfin à Philœ, au-dessus des cataractes du Nil, les savans de l’expédition d’Égypte ont vu un thermomètre, exposé aux rayons directs du soleil, monter jusqu’à 70 degrés. Ainsi les extrêmes de température naturelle supportés par l’homme et les animaux embrassent une échelle de 120 degrés, c’est-à-dire 20 degrés de plus que la différence qui sépare le point de congélation de celui de l’ébullition.

En ajoutant, dans les lignes qui précèdent, quelques détails circonstanciés,