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rapproche le plus de l’espèce humaine, l’orang, le chimpensé, habitent exclusivement les contrées les plus chaudes de l’ancien continent.

Les quelques faits que nous venons de citer, ceux du même genre que nous pourrions signaler encore, paraissent dépendre uniquement des rapports préexistans entre la nature propre des êtres vivans et l’action qu’exerce sur eux le milieu ambiant. On pourrait croire au premier coup d’œil que la distribution géographique des plantes et des animaux doit se rattacher à cette seule et unique cause. Il n’en est pourtant pas ainsi. De ce qu’un lieu donné satisfait complètement à toutes les conditions d’existence d’une espèce animale ou végétale, il ne s’ensuit nullement que cette espèce devra nécessairement s’y rencontrer. Dans les contrées éloignées dont le sol présente une composition identique, dont les climats paraissent se ressembler en tout, les flores et les faunes sont souvent très différentes, en ce sens du moins que les espèces ne sont nullement les mêmes dans l’une et dans l’autre ; mais alors ces espèces, quoique distinctes, présentent une analogie qu’on pouvait en quelque sorte prévoir, et que semble commander l’identité des circonstances extérieures.

Ce fait véritablement remarquable introduit dans les études de géographie organique un élément très essentiel dépendant uniquement de l’observation, et qui conduira quelque jour à des conséquences peut-être encore bien imprévues. Supposons, par exemple, qu’un zoologiste familier avec la faune européenne touche successivement aux rivages de l’Amérique du Sud, à Madagascar, à la Nouvelle-Hollande ; il s’apercevra sans peine que la population animale de ces diverses contrées présente dans chacune d’elles un cachet particulier. Il reconnaîtra que certaines espèces, certains genres, sont comme relégués dans des provinces parfois très circonscrites. Il verra la faune tout entière de quelques grandes localités se modeler sur un type tout spécial qui n’a ailleurs que peu ou point de représentans. Ainsi les îles Moluques possèdent seules les tarsiers, si remarquables par la longueur de leurs jambes. Madagascar, quoique voisine d’une côte où pullulent les singes, ne nourrit aucun de ces mammifères, et les remplace par les lémuriens, qu’on ne rencontre nulle part ailleurs. Pas une seule espèce de singe n’habite à la fois l’ancien et le nouveau continent. Enfin la Nouvelle-Hollande et les îles voisines semblent être la patrie spéciale des marsupiaux, qui reproduisent dans cette partie du monde la série presque complète des mammifères ordinaires, et dont deux ou trois espèces seulement se retrouvent dans l’ancien et le nouveau continent.

Ce cantonnement des espèces n’est nullement particulier à la période géologique actuelle. M. Owen, qu’on peut regarder à bon droit comme le premier des paléontologistes modernes, a pour ainsi dire mis hors de