Page:Revue des Deux Mondes - 1846 - tome 14.djvu/849

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

enfin assis fort modestement dans un coin de la plate-forme. Le président ajouta qu’il se persuadait chaque jour davantage de la bonté des idées teetotaliques : il ne s’était, dit-il, jamais aussi bien porté, jamais senti d’aussi bonne humeur ; à la chasse, il n’avait jamais visé plus juste que depuis qu’il avait renoncé aux boissons fermentées. Il termina en souhaitant la même santé et la même bonne humeur à toute l’assemblée.

Mon quaker lui succéda, et, un numéro de l’American temperance Union à la main, il rendit compte des progrès du teetotalism dans le Nouveau-Monde, et donna des détails sur un grand dîner diplomatique à New-York, où l’on n’avait bu que de l’eau fraîche et de la limonade. Il parla des succès qu’obtenait à Londres le père Mathew auprès des plus illustres personnages, et expliqua la honteuse attaque dont le révérend père avait été l’objet dans un des faubourgs de cette ville, assurant que c’était un coup monté par les propriétaires des tavernes, gens riches et turbulens qui voient la ruine de leur négoce dans le triomphe du teetotalism. « Ouvriers ! s’écria-t-il, ouvriers, gens du peuple, et vous tous ici présens qui avez le bonheur d’être teetotalers, n’en soyez pas trop orgueilleux. Ne soyez pas égoïstes ; cherchez à répandre les bienfaits de la tempérance tout autour de vous. Les hautes classes résistent, il faut vaincre leur répugnance. (Approbation.) Mes amis, que chacun d’entre vous, dans ses rapports avec les personnes des hautes classes, profite des moindres occasions pour propager la doctrine et pour exalter les avantages du teetotalism ; qu’il parle de sa santé améliorée, de ses épargnes, du contentement de l’esprit, enfin des innombrables bienfaits dont il est redevable à la tempérance. (Applaudissemens.) Il faut, pour le bonheur de l’humanité, que le teetotalism devienne universel ; il faut que les riches, les lords (vifs applaudissemens), les ministres, la reine elle-même (applaudissemens prolongés), deviennent teetotalers à l’égal du pauvre ; il faut que le teetotalism fasse le tour du monde, que l’espèce humaine se rallie dans une pensée de charité et d’amour autour de la bannière du père Mathew. (Tonnerre d’applaudissemens.) L’Irlande doit déjà au teetotalism sa régénération orale ; elle lui devra aussi sa régénération politique. Mes amis, crions hurrah pour le teetotalism ! »

Une salve de hurrahs des plus enthousiastes accueillit cette péroraison ; puis un Américain dont j’ai oublié le nom fit un discours fort ennuyeux qui fut beaucoup applaudi par courtoisie, et enfin la parole échut au docteur, lequel, envisageant le teetotalism sous le point de vue hydropathique, prouva que l’eau n’était pas seulement une source de santé, d’amélioration morale et d’utiles économies, mais qu’elle guérissait les migraines, les affections nerveuses, les vieux rhumes, même la goutte, en un mot toutes les maladies. Le docteur ajoutait que si les teetotalers voulaient bien ne pas se contenter de se servir de l’eau comme