Page:Revue des Deux Mondes - 1846 - tome 14.djvu/856

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

ne dit pas qu’elle veut changer la législation existante ; elle dit, au contraire, qu’elle veut la conserver ; mais, comme elle l’interprète à sa façon, et comme les mesures qu’elle propose sont en contradiction manifeste avec les principes même de la loi de 1810, on peut dire qu’elle demande en réalité une loi nouvelle. C’est un point qu’il importe d’établir dans l’intérêt de la discussion.

Poursuivons donc cet examen.

Nous venons de voir que l’on ne pouvait citer un texte pour démontrer l’illégalité des réunions houillères. A défaut du texte, on se retranche dans l’esprit de la loi. On dit que l’unité des concessions a été le vœu du législateur, que la concurrence est le principe de la loi des mines, et que le fractionnement des bassins houillers est la condition de la concurrence.

Oui, la loi de 1810 a voulu donner aux concessions un caractère d’unité, mais non pas dans le sens absolu que l’on prête à ce mot. La loi de 1810 a voulu que les concessions ne fussent pas morcelées au gré des particuliers ; elle a voulu aussi que chacune d’elles, toujours exploitée, fournît son contingent à la consommation, Par là, chaque concession forme en réalité un territoire isolé, toujours distinct, dont l’unité, placée sous la garde de l’état, est permanente, et il est vrai de dire en ce sens, avec la commission, que « l’étendue de chaque mine, une fois fixée par l’état, devient une condition de la concession même, et ne peut plus varier suivant les intérêts ou les caprices de l’exploitant. »

Si donc le concessionnaire d’une mine déplace les limites fixées par le gouvernement au territoire qui lui a été concédé, il manque à son contrat, car la délimitation de ce territoire était d’ordre public et servait à mesurer les obligations que le concessionnaire devait remplir en échange de la libéralité de l’état ; mais le principe de l’unité des concessions ne va pas plus loin. Prétendre que la loi a voulu qu’il y eût, matériellement parlant, autant de concessionnaires distincts qu’il y aurait de territoires concédés, dire qu’elle a voulu qu’un même individu ne pût pas posséder deux concessions sans l’autorisation de l’état, c’est prêter au législateur des intentions qu’il n’a pas eues et qu’il n’a jamais exprimées.

On oppose quelques paroles de M. le comte de Girardin, rapporteur de la loi au corps législatif. Ces paroles ne signifient pas que le législateur de 1810 ait voulu prohiber les réunions houillères ; elles signifient seulement que le législateur, d’accord en cela avec les opinions de notre temps, voyait des dangers dans une agglomération sans limites. Aussi, pour prévenir l’abus, il a imposé des restrictions. Craignant les suites d’une concentration excessive, il a ordonné, par l’article 31, que chaque concession fût exploitée : c’était créer la nécessité de vendre par la nécessité de produire, et protéger les consommateurs contre le monopole. De plus, pour mettre cette disposition sous la garantie d’une sanction pénale, il a réservé à l’état, en vertu de l’article 49, le droit de déposséder le concessionnaire infidèle à son contrat, c’est-à-dire celui qui n’exploite pas ou qui exploite de manière à inquiéter la sûreté publique ou les besoins des consommateurs. Tel est le système de la loi de 1810, système plein de simplicité et de vigueur, qui prévoit les abus, mais ne sacrifie à ses prévisions aucun principe utile. Les paroles que l’on cite, loin d’être en désaccord avec ce système, ne font autre chose que le confirmer.

D’ailleurs, si l’on voulait chercher dans les opinions du temps des signes manifestes de la tendance des esprits à tolérer, ou même à encourager les réunions