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déclare illégales, nous pensons qu’au lieu de se ranger parmi leurs adversaires, il se fût empressé de les couvrir de sa protection. Il eût fait pour la société des mines de la Loire ce qu’il a fait pour la compagnie d’Anzin. Il eût agi, à l’égard de l’industrie houillère, comme il agissait à l’égard de toutes choses, c’est-à-dire avec une prédilection marquée pour les moyens qui donnent la puissance et la grandeur. Quand on cherche si soigneusement à démontrer que la loi de 1810 a voulu restreindre l’esprit d’association, qu’elle a voulu empêcher les agglomérations de territoires et de capitaux, qu’elle a préféré les exploitations moyennes aux grandes, on ne s’aperçoit pas que l’on prête au gouvernement de cette époque une disposition tout-à-fait contraire à sa nature, et démentie par le jugement de l’histoire. Le gouvernement de 1810 n’a jamais passé pour un gouvernement timide et peu épris des grandes entreprises ; ce qu’il aimait par-dessus tout, c’était la centralisation et l’unité. Pourquoi aurait-il refusé à l’industrie l’emploi des moyens dont il tirait sa force ? Quand le gouvernement de 1810 réglementait l’industrie des mines, il avait l’expérience devant lui. Vingt années avaient suffi pour montrer tous les inconvéniens de la loi de 91, qui, en rendant les concessions temporaires et en permettant le fractionnement indéfini du territoire minéral, n’avait engendré que l’impuissance et l’anarchie. Pour ranimer les exploitations, il fallait de grands capitaux, et pour attirer ces capitaux, il fallait leur donner la sécurité avec une liberté d’action suffisante ; c’est ce que fit le gouvernement de 1810. Il donna la sécurité aux capitaux en déclarant les concessions perpétuelles, et il leur donna la liberté en permettant aux exploitations de se réunir et de s’étendre, sauf à respecter les limites tracées par l’intérêt public. Telle fut la pensée du gouvernement impérial. Si cette pensée a produit l’état de choses que nous voyons aujourd’hui, c’est-à-dire une tendance générale à concentrer sur chaque bassin les forces de l’exploitation houillère, il ne faut pas s’en étonner : le principe devait amener ses conséquences.

De tout ce qui précède, il faut conclure que la commission n’a pas le droit d’invoquer la loi de 1810 en faveur des mesures qu’elle propose. Le sens littéral du texte, l’esprit de la loi, l’application constante qu’elle a reçue tout repousse un commentaire qui aurait pour effet de détruire la loi en s’abritant sous elle. Demander un article additionnel où il soit déclaré que les concessions ne pourront être réunies sans l’autorisation de l’état, c’est demander que les articles 7 et 31 soient modifiés ; c’est provoquer une législation nouvelle. Dira-t-on que l’article additionnel de la commission n’aurait d’autre effet que de compléter la loi de 1810 en ajoutant une sanction pénale à la prohibition des réunions ? A qui pourra-t-on persuader que le législateur de 1810, s’il eût voulu interdire les réunions houillères, eût négligé de prendre des mesures pour assurer l’effet de cette interdiction ? S’il avait vu dans la réunion de plusieurs mines la violation du contrat passé entre l’état et les concessionnaires, comment aurait-il oublié de punir une infraction si grave ? Non, le projet de la commission n’est pas un projet complémentaire destiné à réparer un oubli du législateur ; c’est un changement dans la loi même.

Voyons donc la portée de ce changement. Voyons s’il a un caractère d’utilité et de justice. Quelles seraient ses conséquences à l’égard des intérêts particuliers et des intérêts publics ?