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La monarchie danoise se compose de deux parties très distinctes : le royaume de Danemark, formé par le Jutland et les îles ; les duchés allemands de Schleswig, de Holstein de Lauenbourg, ces deux derniers membres du corps germanique, le premier mélange de sang danois dans une proportion assez considérable. Le Danemark proprement dit compte environ 1,400,000 ames ; il y en a 455,093 en Holstein, et 348,526 en Schleswig : ensemble, pour les deux, 793,619. Un gouvernement respectable, avec 2 millions de sujets, tombera-t-il à l’état de puissance inférieure en en perdant d’un coup 800,000, auxquels il commandait depuis quatre cents ans ? Tout le procès est là. Expliquons comment il s’est engagé.

Il faut d’abord reconnaître qu’il n’y a point entre la population danoise et la population germanique de ces insurmontables différences qui créent des antipathies nationales. Leurs langues, pour être distinctes, ne sont cependant pas très éloignées l’une de l’autre ; leurs territoires se touchent sans grandes barrières qui les séparent. Les mœurs, le génie, le caractère, se ressemblent en plus d’un point ; la race serait au fond la même, si l’on s’en rapportait aux théories conquérantes de l’histoire allemande Les Jutes et les Angles, qui descendirent en Bretagne avec les Saxons, étaient, dit-on, des Germains, et les Normands, qui les dépouillèrent et les domptèrent tous, étaient encore Germains comme eux ; c’est du moins la science germanique qui les a naturalisés : nous pensons nous rappeler que le roi de Bavière a mis le sage Alfred dans sa Walhalla, et, si le duc Rollon n’y a point de place, c’est probablement pour s’être mésallié en épousant une femme française. Des relations plus positives unissent d’ailleurs de toute antiquité les duchés de Schleswig et de Holstein au royaume de Danemark. Quels que soient les termes mêmes et les conditions de l’alliance, on ne saurait nier qu’elle n’ait en fait presque toujours subsisté ; la rompre maintenant d’une manière absolue, c’est renverser à tout hasard un équilibre accepté pendant des siècles. La situation de l’Europe n’est-elle pas déjà chargée de difficultés assez nombreuses, sans qu’il faille tant se hâter d’en provoquer de nouvelles en dissolvant une association qui avait été jusqu’ici l’un des pivots de la politique générale du Nord ?

Le plus succinct résumé suffit à prouver la permanence de ce pacte international, pacte tantôt forcé, tantôt volontaire, moins étroit pour le Holstein, plus primitif pour le Schleswig, tout-à-fait récent pour le Lauenbourg, mais au demeurant, et malgré ces diversités, consacré néanmoins par les claires convenances de l’Allemagne et de l’Europe.

Terre danoise d’origine, devenue plus tard marche allemande, le Schleswig fut bientôt repris par les rois de Danemarck ; donné comme fief héréditaire à la maison de Holstein, il a fait retour à la couronne lorsque les ducs d’Oldenbourg, derniers des comtes de Holstein, ont