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faites en France pour inaugurer la peinture à fresque n’ont pas réussi, nous le savons, et nous ne songeons pas à le nier ; mais, de bonne foi, que peut-on conclure de ces tentatives malheureuses contre la thèse que nous soutenons ? MM. Vinchon, Abel de Pujol et Guillemot ont-ils jamais eu la valeur d’un argument sérieux ? Les murailles de Saint-Sulpice sont couvertes d’œuvres sans nom, cela n’est que trop vrai ; mais croyez-vous que MM. Vinchon, Abel de Pujol et Guillemot eussent été mieux inspirés en peignant sur la toile qu’en peignant sur la muraille ? Nous ne voulons pas nous charger de la réponse. Tous ceux qui connaissent la valeur de ces trois noms répondront pour nous, et nous dispenseront d’insister. On a tenté ailleurs la peinture murale dans d’autres conditions qui, à notre avis, sont loin d’offrir les mêmes avantages que la peinture à fresque. Les peintures de la Madeleine sont exécutées à la cire par le même procédé, ainsi que celles de Saint-Méry et de Saint-Severin. Les œuvres dont nous avons à parler aujourd’hui appartiennent à la même classe. Quelle que soit notre estime, notre admiration pour ces œuvres qui se recommandent par des qualités si éclatantes et si diverses, nous regrettons sincèrement que les architectes chargés de préparer les murailles où MM. Delacroix et Flandrin devaient écrire leur pensée ne leur aient pas offert l’occasion de peindre à fresque. La coupole peinte par M. Delacroix à la bibliothèque de la chambre des pairs appartient à l’art monumental par le caractère de la composition : mais elle se compose de plusieurs fragmens exécutés sur toile et réunis sur place. Lors même que M. Delacroix eût voulu adopter un autre parti, peut-être eût-il été forcé d’y renoncer, car M. Gisors, en agrandissant la chambre des pairs, ne semble pas avoir pensé à la peinture. Il a distribué la lumière de telle sorte, qu’il eût été à peu près impossible de peindre sur place ce que M. Delacroix a si heureusement peint dans son atelier. Quant à M. Flandrin, il avait à sa disposition deux murailles parfaitement éclairées ; M. Baltard pouvait lui offrir l’occasion de peindre à fresque ; il a mieux aimé piquer la pierre et la recouvrir d’une couche de stuc. Malgré le succès très légitime obtenu par M. Flandrin, nous persistons à penser que la fresque eût été préférable, et nous croyons que la peinture à la cire, bien qu’exempte des reflets de la peinture à l’huile, atteint difficilement le calme et la sérénité qui font de la fresque la forme la plus parfaite de la peinture monumentale.

Ce qu’il y a d’excellent dans la peinture murale, c’est qu’elle donne à celui qui la pratique une gravité, une élévation qu’il n’eût peut-être jamais rencontrée en peignant des tableaux isolés qui peuvent à chaque instant changer de place et de jour. A proprement parler, la peinture murale doit être considérée comme un moyen d’éducation pour le peintre qui s’en occupe, et l’on peut affirmer sans crainte que tous