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Page:Revue des Deux Mondes - 1846 - tome 15.djvu/355

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tories, doive se presser beaucoup de s’alarmer parce que les whigs ont pris la place de ses amis ; nous douterions encore davantage qu’il fût très sage et très convenable de voir dans cette révolution ministérielle une occasion commode pour un relâchement de l’alliance anglaise ; mais nous serions tout-à-fait étonnés s’il y avait quelque fonds de vérité dans ce bruit d’alliance continentale qu’on ne semble pas aujourd’hui très fâché de répandre. Nous n’admettons pas qu’il faille attribuer tant de valeur aux bons procédés récemment échangés avec le souverain du Nord ; nous sommes cependant forcés de reconnaître que d’un bout à l’autre de l’Allemagne on s’est tourmenté de cette rencontre. Nous n’avons pas besoin de dire tout ce que nous perdrions là d’influence, pour peu qu’on imaginât de donner à ces pures civilités des suites plus effectives. Nous ferons seulement observer qu’il ne vaut pas la peine de mettre en défiance nos cliens ou nos alliés les plus directs pour le vain plaisir de chercher une fois encore à renouer les amitiés de la restauration ; nous regrettons par-dessus tout qu’on ne se tienne pas plus sûr au dehors du libéralisme de notre diplomatie.

Les grands résultats accomplis en Angleterre ont beaucoup éclipsé des événemens qui avaient cependant pour nous une importance réelle. La chambre des députés de Belgique a définitivement accepté la convention du 13 décembre, équivalent incomplet de l’union douanière, barrière peut-être tardive contre ces sollicitations qui, si l’on n’y veille, menacent de nous enlever le marché belge pour l’envelopper dans le réseau des tarifs allemands. Il en est chez nos voisins des questions commerciales et industrielles comme des questions politiques et religieuses ; la Belgique souffre en tout de cette rivalité perpétuelle des deux élémens contraires qui forment sa population. Les fabricans de drap de Verviers et de Tournay se plaignent d’être sacrifiés aux fabricans de toile des Flandres, et ceux-ci pétitionnaient depuis six mois pour obtenir qu’on rouvrît les négociations de l’union douanière, combattue par les premiers, comme elle l’était chez nous par Elbeuf et Sedan. Sous quelques jours peut-être, M. Dechamps viendra présenter un nouveau traité avec la Hollande, et cette fois les Flamands disent déjà qu’on a ruiné Anvers et son port pour rendre un débouché aux draps des Wallons. Malgré ces luttes sans fin d’intérêts trop rapprochés, la facilité des échanges gagne toujours quelque chose à l’établissement de ces relations que le gouvernement belge poursuit avec une louable activité.

Signalons enfin un autre traité d’ordre plus spécial, récemment conclu entre l’Angleterre et la Prusse au sujet de la contrefaçon littéraire. Nous devrions en prendre occasion pour appliquer sur une plus vaste échelle et avec plus de sollicitude les principes que nous avons déjà introduits dans le traité sarde. Le Zollverein finira probablement par accéder tout entier à cette convention, dont les clauses sont fort équitables et les profits réciproques. L’Angleterre et l’Allemagne se nuisaient autant que nous nuit la Belgique, avec cette différence que, le dommage étant mutuel, il était plus aisé de trouver les compensations.

Pendant que cette activité salutaire se manifeste presque partout en Europe par de sages réformes et d’utiles travaux, la diète suisse s’ouvre à Zurich sous les plus tristes auspices. Dans la situation extrême où sont maintenant les partis, le meilleur espoir qui reste, c’est que leurs forces se balancent encore, comme elles paraissent le faire : on ne sortirait d’un statu quo déplorable que pour tomber dans une sanglante anarchie. Le fond des choses est toujours en Suisse