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l’objet lui-même. Le papier à empreinte et la chambre claire sont les deux principaux instrumens d’une reproduction exacte et facile des monumens. Le daguerréotype se présente avec des prétentions merveilleuses à la promptitude ; en fait, il est rarement d’un usage commode. Nous emportons cependant un de ces instrumens ; mais on me dit qu’il ne sera pas si utile qu’il semblerait devoir l’être.

Avant de quitter Marseille, nous avons trouvé, M. Durand une figure égyptienne à dessiner, moi des hiéroglyphes à lire. En effet, le musée de cette ville possédait sans s’en douter, dans une statue en basalte noir dont la partie inférieure est mutilée, quoi ? le portrait en pied d’une fille de Sésostris.

Il y a un an que, me trouvant à Marseille avec le docteur Roulin, le docteur me parla d’une statue égyptienne qu’il avait aperçue dans l’angle d’une petite salle par où l’on passe quand on va du musée à la bibliothèque. En me glissant par derrière la statue, entre elle et le mur, je m’assurai que sur l’appui postérieur auquel elle est accolée étaient gravés des hiéroglyphes. Il ne me fut pas difficile d’y reconnaître le prénom de Rhamsès-le-Grand, que l’on s’accorde à identifier avec Sésostris. Outre le prénom de ce Rhamsès, on voit derrière la figure en question les hiéroglyphes dont se compose ce qu’on appelle la bannière ou l’étendard, et qu’on pourrait appeler la devise de ce Pharaon. Il faut savoir que chacun des rois d’Égypte a, outre son nom de race et son nom propre, une devise tracée sur une sorte de drapeau. Ici le nom et la devise de Sésostris sont gravés sur la statue dont j’ai le premier signalé l’existence ; mais cette statue n’est pas celle d’un conquérant, c’est celle d’une femme. Qu’était à Sésostris cette femme qui porte son nom ? Sa mère ? La figure a trop de jeunesse ; d’ailleurs, nous connaissons les traits de la mère de Sésostris par une magnifique statue du Vatican. Les traits fiers et sombres de cette reine, marqués comme toujours d’un caractère individuel très prononcé, ne rappellent point les traits adoucis de la statue de Marseille. Au reste, l’âge de celle-ci ne permet d’hésiter qu’entre une épouse et une fille de Sésostris. L’antiquité ne nous a rien dit des épouses de ce Pharaon, mais les monumens nous font connaître que, durant un règne qu’ils nous apprennent aussi avoir duré plus de soixante années, Sésostris eut au moins deux femmes. Est-ce une d’elles que représente notre statue ? Si la partie inférieure de la figure n’avait pas péri, nul doute ne subsisterait à cet égard, car le nom de la princesse s’y pourrait lire accompagné de l’épithète épouse ou fille royale ; mais, la mutilation du monument nous réduisant aux conjectures, on peut dire que l’extrême jeunesse de la figure convient mieux à une fille qu’à une femme du conquérant. Le front d’une reine porterait probablement le basilic, signe caractéristique de la royauté ; or, ce signe n’est pas ici. Nous contemplons donc