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demeure ? Si la base est plus moderne que le fût de la colonne, il faudra bien admettre qu’une cause quelconque, peut-être un tremblement de terre semblable à ceux que les auteurs musulmans disent avoir affligé Alexandrie pendant les premiers siècles de l’hégire, aura fait tomber la colonne, et qu’elle aura été relevée sur une autre base au temps de Dioclétien ; mais il est, dans tous les cas, beaucoup plus facile de redresser une colonne gisante dans une cour que de l’amener dans cette cour en la faisant passer par-dessus les toits d’un édifice comme le Sérapeum.

Si le voyage d’Aphtonius en Égypte doit être placé, comme le pensait Fabricius, entre Constantin et Julien, cette époque était assez rapprochée de celle de Dioclétien pour qu’Aphtonius eût pu savoir et raconter à quelle occasion se serait fait le gigantesque transport de la plus grande colonne connue. Et pourquoi admettre ce transport ? La colonne, dit-on, devait porter une statue impériale comme les colonnes triomphales romaines, et ces colonnes ont toujours été inconnues aux Grecs. Est-il bien sûr cependant que la nôtre portait une statue, et une statue d’empereur ? Aphtonius n’en dit rien. Il dit seulement qu’autour des chapiteaux étaient placés les principes des êtres, ce qui donne l’idée d’emblèmes mythologiques, et convient très bien à la colonne centrale du Sérapeum, mais éloigne l’idée d’une statue d’empereur au pied de laquelle on ne voit pas trop ce qu’auraient fait les principes des êtres. On ne peut rien conclure d’une statue impériale en porphyre dont les débris ont été trouvés dans le voisinage. M. Letronne a reconnu tout le premier que ses dimensions n’étaient pas assez grandes pour qu’elle ait jamais pu figurer sur le monument. Cependant M. Wilkinson pense que l’on voit au sommet de la colonne l’indice de la présence d’une statue. Avant d’examiner quelle pouvait être cette statue, je dois dire deux mots d’une supposition faite par M. de Sacy.

Abdallatif dit que la colonne était surmontée d’une coupole (kotba). M. de Sacy incline à y voir un petit observatoire qui, si mon opinion sur la colonne est vraie, eût été l’observatoire du Sérapeum ; mais je croirais difficilement à cet observatoire, placé sur une colonne de près de cent pieds, au sommet de laquelle on n’a pu monter de nos jours qu’à l’aide de la corde qu’on y a engagée par le moyen d’un cerf-volant ; il aurait fallu en tout cas un appareil d’échelles qui, aussi bien que les instrumens, eût frappé Aphtonius. Une explication plus simple est suggérée au voyageur par un spectacle qui s’offre journellement à lui en Égypte. La coupole en question n’était-elle pas un de ces dômes en l’honneur des saints musulmans qu’on voit à chaque pas s’arrondir et blanchir sous les palmiers ? Peut-être la kotba du voyageur arabe était tout simplement le monument d’un santon célèbre. Quoi qu’il en soit, si rejetant, comme je pense qu’on doit le faire, l’hypothèse de l’observatoire