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fait en ce moment un premier pas qui, bien qu’indirect, est de nature à peser d’un grand poids dans les déterminations que pourra prendre à l’avenir le cabinet de Rio-Janeiro. L’admission des sucres du Brésil sur le marché de la Grande-Bretagne à un taux très modéré, et qui, dans quelques années, sera égal au droit imposé sur les sucres des possessions et des colonies anglaises, ce qui donnerait une satisfaction complète aux prétentions les plus exagérées du gouvernement brésilien ; en d’autres termes, le bill de lord John Russell est de nature à rouvrir dans un court délai les voies de la conciliation. Que ce bill reçoive la sanction du parlement, on n’en saurait douter aujourd’hui. L’opinion publique s’est trop fortement prononcée en sa faveur pour laisser place aux plus légères inquiétudes à cet égard. Les protectionistes combattent avec vigueur, comme on devait s’y attendre, pour la défense de ce dernier retranchement du monopole. Réduit aux seules forces de son propre parti et de la petite phalange des amis de M. Cobden, lord John Russell, dans l’état de décomposition de la chambre des communes, se serait trouvé à coup sûr en minorité. L’issue de la lutte devait dépendre de la position que prendrait sir Robert Peel dans la discussion qui vient de s’ouvrir. Bien qu’il eût présenté lui-même les deux lois qui établissaient une distinction prohibitive à l’endroit des sucres de Cuba et du Brésil, il était avéré qu’en cela il n’avait agi qu’à son corps défendant et subi les exigences de M. Goulburn et de M. Gladstone, dont le concours lui était nécessaire ; depuis le commencement de la session, il disait ouvertement que, s’il eût été libre, il aurait proposé l’égalité des sucres de toute provenance en même temps que la libre importation des céréales étrangères. Aussi n’a-t-on pas été surpris de l’entendre déclarer il y a quelques jours, dans la chambre des communes, que, tout en croyant bonne et nécessaire, au moins pour quelque temps, la distinction entre les produits du travail libre et du travail esclave, il donnerait son appui au bill de lord Russell. Cette déclaration fait pencher la balance du côté des whigs, qui, jusqu’à l’année prochaine, sont délivrés de tout embarras sérieux.

L’admission des sucres du Brésil sera le prélude de la reprise des négociations pour un traité de commerce. L’intérêt de l’industrie manufacturière de la Grande-Bretagne réclame impérieusement cette mesure, et on serait en droit de taxer d’inconséquence les ministres whigs, s’ils ne s’occupaient pas promptement d’une question qu’ils ont tant de fois portée devant le parlement. La présence dans le bureau du commerce de M. Milner Gibson est un sûr garant des intentions du cabinet à cet égard. Il reste maintenant à examiner si la satisfaction donnée sur ce point au Brésil terminerait le conflit relatif à la répression de la traite, et serait suivie du rappel de la loi du 8 août dernier. Cela n’est nullement probable, et il ne faut pas oublier que la conduite de lord