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pour qu’il soit très prudent de couronner ainsi la contre-révolution dans la personne du fils de don Carlos.

C’est alors qu’est apparue tout d’un coup l’idée de donner un quatrième trône à cette heureuse maison de Cobourg. De quand l’idée peut-elle dater et d’où sort-elle ? Qui le dira ? Il en est de toute cette affaire comme des pièces de Calderon ; il y a des intrigues croisées qui doivent peut- être aller de front jusqu’au dénouement. On parle de portraits échangés, d’inclinations favorisées par la sollicitude maternelle. Ce qui est certain, c’est que le roi Léopold, qui a montré dans des temps difficiles un dévouement énergique aux intérêts bien entendus de la reine, conserve toujours sur elle un ascendant particulier ; ami sincère des whigs, suprême conseiller de la royauté anglaise, esprit politique d’une grande portée, Léopold utilise l’autorité personnelle dont il jouit à Madrid en tâchant d’ouvrir une nouvelle carrière aux influences britanniques. On croira facilement que cette perspective n’a rien qui déplaise à lord Palmerston, et l’on sait bien que sir Henry Bulwer, le ministre d’Angleterre en Espagne, n’est point homme à le mal servir. Tous les torts de la France ont été soigneusement exploités, et la diplomatie anglaise s’est si bien tenue sur la réserve, qu’elle semble à peine engagée dans un projet d’alliance qui relève évidemment de sa direction. Il a seulement été question d’un ministère qui serait composé tout entier dans le sens anglais, avec M. Castro y Orozco pour président, et MM. Bravo Murillo, Seijas, Salamanca et Concha aux divers départemens. L’unique objet de ce ministère eût été de marier la reine au prince de Cobourg ; puis, comme on en parlait trop, on a laissé les choses en l’état, et l’on s’en est remis au bon vouloir plus discret de M. Isturitz. Notre ambassadeur a, dit-on, fait ses réserves et protesté contre cet accommodement ; mais on est loin d’y renoncer, tout en le taisant davantage. Il y a mieux, il se pourrait qu’on fût maintenant en instance auprès du cabinet des Tuileries pour lui redemander une alliance plus directe et plus proche avec la dynastie de juillet. Ou n’a point à douter de la réponse : trop de bonnes raisons, jointes aux mauvaises, empêchent un prince français de s’asseoir aujourd’hui sur le trône d’Espagne ; mais, une fois le refus signifié, quel parti prendre ? Puisque le comte de Trapani et le comte de Montemolin sont impossibles, puisqu’on s’entend pour abandonner l’infant don Enrique, puisque don François d’Assise ne semble point se soucier de la destinée qu’on lui offre, il faudra bien arriver au prince de Cobourg. L’Angleterre, qui se borne à déclarer qu’elle maintiendra la liberté du choix de la reine, quel que soit l’élu, se trouverait ainsi défendre, sans le savoir, son propre candidat, et soutenir la personne de son goût au nom d’un bon principe de morale : on n’est ni plus désintéressé ni plus habile.

Nous ne pouvons admettre que le gouvernement français ne s’oppose point de toute sa force à cette combinaison, nous craignons seulement qu’il ne la subisse par suite de son respect trop connu pour les faits accomplis. Or, ce serait à coup sûr l’un des événemens qui porteraient l’atteinte la plus sérieuse à notre situation en Europe ; ce serait tout simplement constituer au profit de l’Angleterre cette monarchie universelle que l’Autriche réalisa jadis par cette même voie des alliances matrimoniales.

L’Espagne n’a vraiment pas plus de goût que nous-mêmes pour un pareil mariage, le nom du prince de Cobourg a été très froidement accueilli ; mais