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faites pour découvrir le mutilé furent inutiles ; il s’était probablement éloigné dans la direction du grand désert, et depuis ce jour on n’entendit plus parler de lui. Pendant ce laps de temps, Anastasio était parvenu à troquer mon cheval estropié, moyennant retour, contre un autre en meilleur état, et nous convînmes de faire encore route ensemble. Je n’avais pas oublié la phrase d’adieu du chasseur mexicain, et je me promettais bien de pousser un jour ou l’autre jusqu’à l’hacienda de la Noria. Je ne voulais pas perdre une occasion si précieuse d’étudier quelque nouvel aspect de cette vie mexicaine, qui, avec le désert ou l’océan pour cadre, gardait toujours pour moi l’intérêt d’un roman.

J’appris plus tard que la bonanza[1] trouvée par Pedro Salazar était devenue de plus en plus riche, mais qu’il avait vendu son filon, d’abord parce que l’argent lui manquait pour le fouiller profondément, ensuite parce qu’il prétendait n’être pas embarrassé pour en trouver d’autres qui, sans lui, demeureraient peut-être inconnus. Le gambusino était donc resté docile à la voix intérieure qui le poussait vers de nouvelles découvertes ; sa mission, répétait-il avec une naïve emphase, était celle du torrent auquel Dieu ordonne de charrier dans la vallée l’or arraché des montagnes, et il attendait avec résignation, au milieu de fatigues et de périls journaliers, le moment où il irait, comme le torrent, mourir au terme d’une course orageuse dans un désert ignoré.


GABRIEL FERRY.

  1. Riche filon à fleur de terre.