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toutes les calomnies qui, à cette époque, pleuvent de tous côtés, restent à peu près sans crédit et sans puissance. La victoire électorale est emportée par d’autres raisons, par d’autres moyens. Ainsi, dans les batailles, il se dépense toujours une grande quantité de poudre et de projectiles qui ne font que du bruit et peu de mal.

Dans les élections qui viennent de s’accomplir, le pays s’est beaucoup plus inquiété de l’avenir que du passé. Il a eu surtout la conscience de la situation nouvelle et heureuse que nous devons aux seize années écoutées depuis 1830. Les vieilles querelles, certaines récriminations de parti, l’ont peu touché il a songé à ses affaires ; il s’est préoccupé de questions commerciales, de mesures administratives, de réformes économiques ; il s’est tourné vers les candidats qui lui ont paru le plus propres à le servir dans ces importans développemens de son activité, et il a fait entrer un grand nombre d’hommes nouveaux dans l’enceinte législative. Plus de cent députés nouveaux siégeront, dans la chambre de 1846. Sous ce rapport, les électeurs ont montré une réelle liberté d’esprit ; ce n’a pas été un inconvénient, un crime à leurs yeux d’être un homme nouveau ; souvent ils ont plutôt pensé, comme Champfort que c’était un grand avantage de n’avoir rien fait. Ils ont ouvert la carrière parlementaire à des candidats jeunes, intelligens, à des économistes distingués, à de grands industriels, à des hommes de loisir qui ont promis de prendre au sérieux la vie politique. Les différens intérêts se sont choisi des champions aguerris. Les amis de la liberté du commerce ont des représentans qui brûlent de se signaler ; d’un autre côté, les prohibitionnistes reviennent en force ; leur phalange est épaisse. À ce sujet, nous regrettons vivement que les électeurs de l’Aveyron n’aient pas continué à M. Michel Chevalier un mandat dont il était digne. Il avait le tort à leurs yeux de n’être pas un défenseur systématique et absolu des idées protectionnistes, et il n’a pas voulu enchaîner sur un point aussi essentiel la liberté de sa pensée ; cette loyale indépendance honore M Michel Chevalier.

Nous ne songeons pas à flatter ! e corps électoral ; nous ne voulons pas adresser à cette souveraineté, qui disparaît aussitôt après s’être exercée, des complimens qu’elle ne mériterait pas. Tous les choix faits par les électeurs sont loin d’être bons, les mobiles auxquels ils ont obéi n’ont pas toujours été purs. Les intérêts privés et les passions mauvaises ont eu une part, toujours trop grande, dans cette lutte de scrutins. Néanmoins les pensées de bien public n’ont pas été étouffées, et l’égoïsme n’a pas dominé seul. Il y a eu dans les élections de 1846 une tendance sincère vers le bien. Nous la reconnaissons, cette tendance, dans la condamnation prononcée par le corps électoral contre les représentans les plus compromis des partis extrêmes, et dans la préférence donnée par les électeurs aux hommes modérés dans toutes les nuances de l’immense majorité constitutionnelle. Annulation des partis extrêmes, prédominance des opinions modérées, avènement en grand nombre d’hommes nouveaux, voilà trois faits importans qui peuvent compenser bien des fautes et des torts, et qui caractérisent les élections de 1846.

Maintenant, quelle sera la nouvelle chambre ? C’est un problème. Entre les résultats électoraux et les actes d’une chambre en exercice, la différence est grande. Quel contraste souvent entre le candidat élu et le député qui vote ou qui parle ! Nous n’en avons eu que trop d’exemples dans la chambre dernière. Il y a