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renouvelée ; mais cette géométrie, bornée aux procédés pratiques de l’arpentage, n’a rien de commun avec la science cultivée dans les écoles de la Grèce et de l’Italie. On ne voit pas qu’elle ait conduit les Égyptiens à une découverte comme celle du carré de l’hypoténuse. On n’a rien trouvé, Parmi les nombreuses représentations dont les monumens sont couverts, qui ressemble à une figure de géométrie. Si un de ces prêtres dont nous lisons les noms écrits dans leurs tombeaux, eût été géomètre, n’aurait-il pas laissé sur les murs de ces tombeaux, où l’on peint d’ordinaire les occupations du mort pendant sa vie, quelque image de ses études, quelque signe de ses découvertes, comme Archimède avait fait graver le rapport du cylindre à la sphère sur son monument, que Cicéron vit encore à Syracuse ? Il n’y a pas plus de trace de l’algèbre des Égyptiens que de leur géométrie, et, jusqu’à ce qu’on en ait trouver quelqu’une, il faut laisser à Diophante l’honneur de ses théorèmes, et reconnaître que dans l’algèbre, sauf le nom qui est arabe, tout ce qui n’est pas d’origine grecque, est d’origine indienne.

Quant à la géographie, dont Ptolémée fut le père, il n’est pas probable que les Alexandrins aient dû beaucoup sur ce point aux enseignemens de l’Égypte. Les anciens Égyptiens ne paraissent pas avoir eu moins de mépris que les Chinois pour le reste du genre humain. De même que ceux-ci n’ont qu’une expression pour désigner leur empire et le monde entier, les Égyptiens se servaient aussi d’un même signe, les deux régions, pour exprimer et les deux parties de l’Égypte et les deux zones dont se compose l’univers. Dans un curieux tableau où sont représentées plusieurs race pour eux barbares, et où les hommes aux yeux bleus, nos ancêtres, ont l’honneur d’être associés aux nègres, les Égyptiens sont distingués par l’appellation homme, romi. Homme et Égyptien étaient donc synonymes. Avec une telle manière de voir, on s’intéresse médiocrement aux peuples étrangers, et on n’est pas très disposé aux recherches géographiques.

Cependant les rapports que le commerce et la guerre établirent entre les anciens Égyptiens et différens peuples asiatiques, rapports qui nous sont attestés par les monumens, ont dû leur apprendre quelque chose de ces peuples. Jusqu’où a été la connaissance qu’ils en ont eue ? M. Gosselin voyait dans les cartes d’Eratosthène et de ses successeurs des copies plus ou moins altérées de carte beaucoup plus anciennes, dont les distances prouvaient, selon ce savant, que la géographie avait été portée jadis à un degré de perfection auquel les peuples de l’Europe n’étaient pas encore parvenus il y a cent cinquante ans[1] ; mais il paraît, au contraire, qu’Eratosthène et les géographes de son époque

  1. Mémoires de l’Institut, t. IX, p. 115-6.