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L’énergie du catholicisme alexandrin s’accrut des sentimens d’antipathie et de rivalité qu’Alexandrie portait à Constantinople, dont les empereurs protégeaient l’arianisme. De là les fureurs de la population égyptienne contre les ariens, de là l’ardeur avec laquelle elle soutint son indomptable représentant, saint Athanase. Ce zèle pour l’orthodoxie était nourri et enflammé par les moines qui peuplaient le désert aux portes d’Alexandrie. Ces moines, pour la plupart Égyptiens de race, comme le prouvent leurs noms souvent tout mythologiques, Ammon, Sérapion, etc., ces moines, successeurs des ascètes égyptiens dont ils continuaient le genre de vie, soutenaient l’orthodoxie en haine de Constantinople. Ainsi le moine Ammon jetait une pierre à Oreste, préfet d’Égypte, en lui reprochant tout à la fois qu’il était païen et qu’il était Grec.

Ces moines formaient, pour l’église d’Alexandrie, une milice formidable, recrutée dans le fond de la population indigène. On reconnaissait à leurs emportemens le caractère sombre et violent de la race égyptienne ; trop souvent ce caractère étouffa, dans les luttes théologiques d’Alexandrie, les inspirations de la mansuétude chrétienne. Ce fut la population d’Alexandrie qui se souilla du plus odieux crime qu’ait commis le fanatisme des premières siècles ; ce fut cette population tour à tour ameutée contre les Juifs, contre le christianisme et contre la philosophie, qui renversa du char sur lequel elle apparaissait comme une divinité, dit un chrétien, dépouilla de ses vêtemens, déchiqueta avec des tessons, traîna nue sur le pavé d’Alexandrie : et enfin déchira en morceaux la belle et savante Hypathie, mathématicienne, astronome, philosophe, comme la nomme, dans ses aimables lettres, l’évêque Synesius, qui fut son disciple et demeura son ami.

Cet exemple de fanatisme, le plus exécrable de tous, n’est malheureusement pas le seul qu’aient donné les partis religieux d’Alexandrie. Un jour, les ariens détruisent l’école chrétienne, fondée en regard et à la porte du musée. Un autre, le peuple foule aux pieds l’évêque George, et déchire son cadavre. Des recrudescences de l’ancien paganisme égyptien enveniment ces fureurs théologiques. L’évêque George était l’ennemi de saint Athanase, mais il était aussi un ennemi acharné de l’idolâtrie et en même temps que lui, on égorgea Dracontius et Diodore, qui avaient élevé des bâtimens chrétiens sur un emplacement consacré à l’ancien culte. Un vieux levain d’égyptianisme semble être au fond de toutes ces horreurs, et les haines de secte empruntent une atrocité plus grande aux haines emportées qui armaient autrefois les habitans de Denderah, ennemis du crocodile, contre ceux d’Ombos, qui l’adoraient.

Le christianisme d’Alexandrie a un caractère à part, c’est le christianisme de saint Clément et d’Origène, c’est un christianisme savant, philosophique, et, chez le second, abusant du symbolisme. Cette direction