fallu une persévérance et une habileté rares pour les surmonter. Un autre Français, M. Mougel, vient d’achever un bassin dont l’exécution présentait aussi les plus grands obstacles. Toutes les fois qu’il est question en ce pays de travaux difficiles, d’utiles perfectionnemens, on entend résonner le nom de la France.
Je n’ai pas voulu quitter Alexandrie sans faire le tour de son enceinte Laissant à gauche la grande colonne, je suis sorti par une porte à l’ouest de la ville ; mon chemin m’a conduit sur le bord du canal qui doit me porter au Nil. J’ai trouvé d’abord une cohue empressée, des barques rangées côte à côte, et tout le mouvement d’un port plein d’animation et de bruit ; puis, marchant toujours, j’ai dépassé la région du tumulte. Un grand silence a remplacé ces rumeurs. Je ne voyais que l’eau du canal, quelques berges solitaires et des terrains plats et nus. Des chameaux marchant sur une jetée étroite se profilaient sur le ciel. Cet aspect était singulièrement triste. Je me représentais les environs d’Alexandrie tels que nous les dépeignent les anciens ; semés de jardins et de villas, embaumés par les roses dont les fleurs composaient les parfums d’Alexandrie, plantés de vignes qui produisaient le vin de Maréotis, chanté par Horace. Le mahométisme a déraciné les vignes, les roses ne se cultivent plus que dans la province de Fayoum. Souvent je n’avais sous les yeux qu’une nappe de sable blanc ou les ondulations d’un terrain jaunâtre. Par momens je saisissais une échappée de la ville ; j’apercevais comme une vignette dans un voyage en Orient, une coupole colorée ou un toit en terrasse dans un groupe, de palmiers diversement inclinés. Le soleil me rendait précieux le maigre feuillage des acacias, et délectable l’ombrage épais des sycomores. Enfin, après plusieurs heures d’une agréable chevauchée sur ces petits ânes vifs qui sont la monture du pays, je suis rentré dans Alexandrie par la porte de Rosette, à l’opposite de la porte par laquelle j’étais sorti. Si Alexandrie a gagné un arsenal et une flotte, elle a beaucoup perdu en ruines. Le voyageur ne peut plus dire, comme Volney, en traversant l’enceinte arabe : « On parcourt un vaste intérieur sillonné de fouilles, percé de puits,… semé de quelques colonnes anciennes, de tombeaux modernes, de palmiers et de nopals. » Dans toute ma course, je ne rencontrai d’autres antiquités que quelques colonnes de granit, les unes debout, les autres gisant sur le sol, mais il n’y a ait là point d’hiéroglyphes à lire. Enfin le ciel m’envoya, pour consoler ma détresse, un beau sarcophage égyptien, placé à l’entrée du jardin d’un riche négociant nommé Gibarra. Je me jetai sur cette proie, unique aliment offert à ma faim archéologique, et me voilà grimpé sur le couvercle ou agenouillé à côté du sarcophage, m’évertuant à déchiffrer les noms et la condition du mort. Il s’appelait Petpapi, nom que je n’ai encore trouvé sur aucun monument funèbre, et j’ai déjà recueilli une collection bien considérable de noms propres