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des principaux états commerçans, il est nécessaire de pénétrer dans la constitution intime du système protecteur. Pour comprendre ce système dans sa portée véritable, et surtout pour se rendre compte des diverses transformations dont il est susceptible, il faut le soumettre à l’analyse, il faut en décomposer les élémens. C’est ce que nous allons d’abord essayer.

Toutes les lois de douanes n’ont pas le même caractère et ne produisent pas, à beaucoup près, les mêmes effets. Elles diffèrent par les motifs qui les ont dictées, par les principes qui en dirigent l’application, et surtout par la nature des marchandises qu’elles frappent. De là presque autant de systèmes qu’il y a de peuples commerçans. Sans entrer dans le détail de toutes ces dispositions diverses, il nous suffira de marquer nettement les caractères principaux qui les distinguent.

Certaines lois de douanes n’ont été établies que dans un intérêt fiscal, c’est-à-dire en vue d’un revenu. Tel est, par exemple, le caractère général de la législation douanière des États-Unis, au moins si on ne considère que le motif originaire de son institution. La cause du libre échange est en général désintéressée dans l’établissement de ces sortes de lois ; c’est une question d’impôt. En ce sens, le principe en serait irréprochable, s’il ne se démentait jamais dans l’application. Malheureusement il arrive presque toujours, si on n’y prend garde, que les droits établis dans l’unique intérêt du trésor public changent de caractère, en devenant presque immédiatement protecteurs ou restrictifs. L’exhaussement de prix qu’ils déterminent sur les marchandises étrangères excite à produire ces mêmes marchandises, avec des conditions moins favorables, dans le pays. Ainsi se forment à l’intérieur des industries parasites, qui se créent une vie artificielle, une prospérité factice, en détournant vers elle une partie des taxes qui devaient rentrer dans le trésor public. Ce système d’impôt, malgré sa douceur apparente, devient alors le plus onéreux de tous, lors même que les frais de la perception n’en sont pas très élevés, parce que le produit en échappe en grande partie aux mains du gouvernement auquel il est dû, pour aller se perdre à l’intérieur sur les établissemens particuliers que l’existence des droits a fait naître. Ajoutons que la source de ce genre de revenu peut même tarir quelquefois, lorsqu’il arrive que l’industrie nationale parvient, à la faveur des tarifs, à exclure entièrement de la consommation les marchandises étrangères.

Les recettes de la douane sont toutefois pour les gouvernemens une ressource précieuse et quelquefois nécessaire. Il ne s’agirait, pour en faire un impôt vraiment rationnel et en même temps fructueux, que d’éviter les écueils que nous venons de signaler. Il faudrait n’atteindre que des matières exotiques, qui n’auraient pas de similaires dans le pays, et se montrer d’ailleurs décidé, dans le cas où des équivalens