Page:Revue des Deux Mondes - 1846 - tome 15.djvu/869

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

cocotiers qui étendaient leurs palmes jusqu’au bord de l’eau, enveloppant dans leur massif quelques petites cases gracieusement groupées sur le rivage, La mer avait une transparence admirable ; le fond était de sable, d’une blancheur éblouissante, émaillé de madrépores aux mille couleurs.

En descendant sur la plage, nous vîmes quelques bancs grossièrement travaillés, mais couverts d’un bel ombrage. C’est le rendez-vous ordinaire des habitans de cette petite communauté ; c’est là qu’ils passent leurs longues journées, au milieu de leurs barques traînées sur le rivage, en vue de la mer, dont ils aiment à contempler les flots. Nous y vîmes bientôt accourir toute la peuplade, excepté les femmes, condamnées par la jalousie à une réserve qui n’était pas de leur goût, car elles cherchaient à satisfaire leur curiosité en glissant la tête par leurs portes entrouvertes, ou en se pressant contre les claies qui environnent leurs maisonnettes. On nous conduisit au logement qui nous était destiné, longue case soutenue par des troncs de cocotiers, et fermée seulement sur deux faces. Des nattes avaient été étendues sur le sable ; je m’y couchai accablé de fatigue, et cependant je ne pus trouver ni repos ni sommeil, tant les événemens qui s’étaient succédé depuis deux jours avaient jeté de trouble dans mon esprit.

Le lendemain, de bonne heure, on donna le signal du départ, et toute la journée se passa sous voile. Enfin, vers le soir, nous abordâmes à l’île Tinandou, qui devait être notre résidence. Tout notre bagage fut aussitôt débarqué, et nous vînmes prendre possession de la maison commune. Ce pieux établissement existe dans toutes les parties de l’archipel, et le plus petit îlot perdu au milieu de ce labyrinthe de sable et de rochers montre sur sa grève solitaire la case du voyageur. Ce temple de l’antique hospitalité n’est le plus souvent qu’une chaumière composée de feuilles et de roseaux. Telle était notre habitation à l’île Tinandou. Jetez quelques nattes sur le sol, suspendez au toit une lampe de cuivre jaune, et vous aurez une idée complète de tout le mobilier. Une toile, sauvée du naufrage, divisa notre logement en deux pièces, l’une pour les hommes de l’équipage, l’autre pour les officiers : séparation nécessaire à la discipline, et remplaçant en quelque sorte les gaillards de notre vaisseau. On nous apporta du riz ; chacun s’empressa de ramasser des branches mortes, les feuilles sèches tombées des cocotiers, et un repas à l’indienne fut bientôt préparé.

Tinandou peut avoir trois milles de circonférence ; sa plus grande largeur est de l’est à l’ouest. Les récifs l’environnent de toutes parts, et sa plage est d’un sable si blanc, que les yeux peuvent à peine en supporter l’éclat lorsque le soleil y darde ses rayons. Le village est placé au nord, et de cet endroit part un chemin qui traverse l’île dans toute son étendue. Cette route, très pittoresque, s’avance en serpentant avec