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à son écorce, l’enveloppe de toutes parts, et pousse sa tête jusque sous le toit vivant ménagé pour lui servir d’abri. Je me demandais comment on n’avait pas abandonné de préférence à cette liane avide le tronc grisâtre du cocotier, qui est naturellement nu, lorsque j’aperçus un jeune Indien suspendu à la cime d’un palmier, d’où il faisait pleuvoir une abondante moisson de cocos ; je le vis ensuite descendre tranquillement le long de la tige, où des degrés avaient été pratiqués en forme d’escalier.

Ces îles de formation récente, ces terres qu’on pourrait en quelque sorte appeler factices, ne possèdent sans doute en propre aucune plante. Quand elles sortirent des flots, elles étaient toutes nues ; les régions voisines leur donnèrent pour ceinture la flore de leurs rivages, la mer et les vents leur apportèrent les fruits et les graines des terres primitives. Il en vint de bien loin, et c’est ici l’occasion de mentionner cette noix monstrueuse nommée autrefois coco des Maldives. On ne la trouvait, disait-on, qu’aux abords de ces îles ; mais quand l’archipel fut mieux connu, quand on y eut cherché vainement l’arbre qui produisait le fruit en question, il fallut hasarder une autre hypothèse, on crut reconnaître dans le coco des Maldives le fruit de quelque plante marine, et on l’appela dès-lors coco de mer. Buffon lui-même adopta cette erreur. Le merveilleux s’attacha à cette production, comme il s’attache à toute chose rare, et dont l’origine est inconnue. On attribua au coco de mer des vertus extraordinaires ; la pulpe que renfermait la noix devint une panacée universelle, un aphrodisiaque plus puissant que tous les philtres. Elle se vendit au poids de l’or, et la noix fut considérée comme un vase précieux. Long-temps après, en 1743, un capitaine qui faisait l’exploration de l’archipel des Seychelles découvrit une petite île montueuse où poussaient certains grands arbres dont les palmes longues, dures et presque métalliques faisaient entendre comme un bruit de cymbales. Des fruits d’une grosseur prodigieuse pendaient à ces arbres ; d’autres, tombés depuis long-temps, couvraient le sol. C’était le prétendu coco de mer, qu’on appela désormais coco des Seychelles (lodoicea Sechellorum). On en fit des cargaisons ; en cessant d’être rare, ce fruit perdit toutes ses vertus, sa pulpe ne fut plus bonne qu’à désaltérer des nègres, et sa noix, coupée par morceaux, sert aujourd’hui de vaisselle aux esclaves. Toutefois cette petite île des Seychelles, qui prit le nom de Praslin, est demeurée jusqu’à ce moment la seule patrie de ces arbres singuliers. Leurs fruits sont encore poussés par les courans jusqu’aux Maldives, mais ils n’y germent point ; de jeunes pieds ont été transplantés sur d’autres terres, et ont refusé d’y vivre.

Quant aux animaux, les espèces introduites aux Maldives sont peu nombreuses. Il est vrai que ces pauvres îlots ne sont guère propres au bétail, et nos gros ruminans trouveraient difficilement de quoi s’y