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nous déclare qu’à l’avenir nous ne devons rien attendre d’elle.... Nous serons traités comme des étrangers, et l’Angleterre fera tant que nous lui deviendrons étrangers par le cœur comme par les tarifs.... Il est vrai que nous jouissons de sa protection; mais c’est une protection contre ses ennemis, et non pas contre les nôtres[1]. »

Maintenant admettez que ces prédictions menaçantes se réalisent un jour, et que les Canadas, attirés dans la sphère commerciale des États-Unis, se séparent de la métropole, imagine-t-on que l’Angleterre soit assez mal inspirée pour employer sa « suprématie navale » à conserver des provinces comme le New-Brunswick, la Nouvelle-Ecosse, Cap-Breton et l’île du Prince-Edouard? Nos voisins calculent trop bien pour agir ainsi. Déjà leurs économistes les mieux avisés critiquent, au point de vue positif de la recette et de la dépense, le soin que met la Grande-Bretagne à maintenir et à développer sa puissance coloniale; ils lui reprochent de faire venir du Canada des bois sujets à la pourriture sèche et bien inférieurs à ceux de la Baltique; ils lui reprochent encore de demander au cap de Bonne-Espérance, et d’attirer par l’appât du droit différentiel sur le marché britannique, des vins exécrables qu’il faut falsifier pour les vendre; ils travaillent à lui démontrer que l’idée de former un vaste Zollverein, où elle s’enfermerait avec ses colonies, est une chimère sans portée pratique; ils insistent en toute occasion sur les énormes charges que le pays s’impose, et dont l’unique résultat réel est de ménager quelques facilités au commerce extérieur. Et ces raisonnemens, appliqués aux possessions nord-américaines telles qu’on les connaît aujourd’hui, ne manquent ni de valeur ni de vertu persuasive. Que serait-ce donc si, les deux Canadas devenus américains, ainsi que le territoire immense qui entoure la baie d’Hudson, on traitait la même question limitée au reste des colonies actuelles !

L’Acadie ou Nouvelle-Ecosse (Nova-Scotia) ne compte que 180,000 habitans épars sur une surface de 15,000 milles carrés. ’Toute la partie méridionale est rocailleuse et stérile; le nord seul se prête à la culture et paie les travaux qui le fertilisent. Le Nouveau-Brunswick, deux fois plus étendu que l’Acadie, n’a pas été complètement exploré : on ne connaît guère que les districts voisins de la principale rivière, le Miramichi. C’est un pays de forêts et de lacs, où deux cent cinquante navires viennent chaque année prendre leur cargaison de bois de charpente; mais la capitale (Fredericktown), bâtie en bois, ne compte pas plus de 7,000 habitans, et le pays entier n’en a pas plus de 160,000. Ajoutez à ceci qu’il conflue à l’état du Maine, et que la délimitation des frontières a suscité déjà de nombreux conflits, apaisés en 1842 par l’habileté diplomatique de lord Ashburton, que l’Angleterre envoya fort à

  1. Extrait du Morning Courier, journal tory de Montréal.