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mines, sous la domination romaine, les provinces de l’Ibérie fournissaient à la maîtresse du monde de l’or, de l’argent, du cinabre. Quand le Nouveau-Monde est découvert, les Espagnols font la conquête de deux empires où l’argent et l’or abondent, et ils y transportent, avec la connaissance qu’on pouvait avoir alors de l’art des mines, leur passion pour la recherche des métaux précieux. Et aujourd’hui que les descendans des conquistadores se sont rendus indépendans au Mexique, au Pérou, sur les bords de la Plata, on voit les Espagnols, resserrés dans la Péninsule, recommencer à déployer chez eux le génie que pendant trois siècles ils ont prodigué au loin. Ils fouillent le sol de la patrie avec une audace et un succès extraordinaires.

Ce fut en 1537 qu’un mineur de Pachuca, Bartholomé Médina, découvrit le procédé d’extraction actuellement usité dans toute l’Amérique, moyennant lequel l’argent est obtenu sans recourir au lavage, à peu près sans combustible, et en employant des doses très modérées d’un petit nombre d’ingrédiens tous empruntés, sauf un seul, à la classe des matières réputées communes. Par une sorte de divination, cet homme imagina une méthode de traitement dont la science rend à peine compte aujourd’hui, après que de grands chimistes se sont consacrés à l’étudier. Habituellement l’esprit humain n’arrive aux formules simples qu’en traversant beaucoup de complications ; ce pauvre mineur fut plus heureux. Du premier coup, il trouva une recette tellement simple, que depuis trois siècles on n’y a presque rien changé. Une fois le minerai trituré, l’opération s’accomplit sans autre appareil qu’un tout petit lavoir et une cloche de bronze, sans autre main-d’œuvre qu’un foulage des farines de minerai par le pied des hommes ou des mulets[1], sans autre combustible que celui qui est requis pour calciner une petite dose de pyrite de fer et de cuivre[2], et pour volatiliser

  1. Dans l’origine, le foulage était fait par des hommes, que quelques-uns des mineurs péruviens remplacèrent par des chevaux, et c’est de là que l’emploi des mulets ou des chevaux passa au Mexique. Cette amélioration ne remonte, pour le Mexique, qu’à 1783. Don Juan Cornejo en apporta l’idée du Pérou. Le gouvernement lui accorda un privilège dont il ne jouit pas long-temps, et qui ne lui valut qu’une somme médiocre. Les frais d’amalgamation ont beaucoup diminué depuis que l’on n’a plus besoin d’employer ce grand nombre d’ouvriers qui se promenaient pieds nus sur des amas de farines métalliques. Aujourd’hui encore à Catorce, ce sont des hommes qui font ce service : des circonstances locales et le défaut d’espace n’ont pas permis de leur substituer des animaux ; mais c’est le seul point du Mexique où l’ancien mode de foulage se soit maintenu. La substitution des animaux à l’homme et la suppression à peu près complète de l’emploi de la chaux dans l’amalgamation sont les seuls changemens qui aient été apportés au procédé de Médina. Dans plusieurs des mines du Pérou, le foulage par les hommes a persisté jusqu’à ce jour.
  2. Les combinaisons naturelles du fer ou du cuivre avec le soufre sont désignées par le nom de pyrite. Ce sont des minéraux à l’aspect métallique, d’un jaune un peu plus clair que celui de l’or, que le vulgaire ramasse souvent dans la persuasion que c’est de ce précieux métal.