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chlorure ou du bromure d’argent[1]. C’est sur cette loi générale de la composition du minerai qu’est fondée l’efficacité du procédé. Le but que se proposa Médina fut de faire passer l’argent contenu dans le minerai, en ces combinaisons diverses, à l’état d’amalgame, c’est-à-dire d’union avec le mercure. Le mercure s’empare à froid des corps dont il est avide, et il n’en est aucun pour lequel il ait plus d’affinité que pour l’argent. Or, une opération à froid devait dispenser de la nécessité du combustible que le pays n’a pas ; en outre, l’amalgamation devait donner le moyen de concentrer en un petit volume l’argent épars dans une immense quantité de gangue, sans recourir aux appareils de lavage, pour lesquels on eût manqué d’eau, et qui d’ailleurs, dans beaucoup de cas, ainsi que nous l’avons dit, auraient été en défaut. Une fois l’argent réuni dans un amalgame, rien n’était aussi simple que de le séparer du mercure, c’était l’affaire d’un peu de feu. L’amalgamation levait donc toutes les difficultés : elle devait être ainsi le but final de l’opération.

L’affinité du mercure pour les métaux précieux avait été remarquée dès les temps antiques, du moins à l’égard de l’or, sans cependant que les Grecs ou les Romains s’en fussent servis pour l’exploitation des mines. C’était un des motifs pour lesquels les alchimistes faisaient intervenir le mercure avec prédilection, et lui supposaient une puissance presque sans bornes. Déjà on avait commencé à employer le mercure pour perfectionner l’extraction de l’or des alluvions de Saint-Domingue, deux ou trois ans après que Christophe Colomb y avait débarqué. Il est même constaté aujourd’hui, d’après le géographe arabe Edrisi, que l’emploi du mercure était communément usité, dès le XIIe siècle, dans les lavages d’or de l’intérieur de l’Afrique ; mais, avant Médina, la métallurgie n’avait fait aucun usage du pouvoir que possède le mercure envers l’argent. Ici, d’ailleurs, se présentaient des circonstances qui augmentent beaucoup le mérite de Médina. L’action du mercure avait été mise à profit à l’égard de l’or dégagé de toute combinaison avec ces corps qui dénaturent les métaux précieux, tels que le soufre, le chlore, l’antimoine, et les rendent inattaquables au mercure lui-même. Dans les alluvions de Haïti et de l’intérieur de l’Afrique, comme dans toutes les

  1. Récemment M. Berthier a reconnu de l’argent à l’état de bromure dans le minerai de Catorce et dans quelques autres. Le bromure d’argent est aussi un des minorais du Chili, comme on le verra plus loin.