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adoptant des procédés plus conformes à l’avancement des arts et à l’humanité, on réduirait les frais dans une forte proportion, on surmonterait l’antipathie des populations pour l’industrie des mines ; avec le même nombre de bras, on aurait une production triple ou quadruple. N’importe, les vieux procédés sont religieusement maintenus comme s’ils étaient écrits dans les commandemens de Dieu. Les bonnes méthodes de travail souterrain, les précautions salutaires comme l’aérage des mines, les mécanismes les plus élémentaires, le tombereau, la brouette, la pelle, l’emploi des bêtes de somme et de menus mécanismes pour l’amalgamation, sont ignorés, sont réprouvés, sont frappés d’interdit. Et c’est d’une mine ainsi exploitée pourtant qu’on a extrait depuis 1545 une valeur de 6 milliards au moins.

Il paraît cependant que le gouvernement bolivien, plus éclairé que ses administrés, s’est déterminé récemment à faire venir d’Europe quelques ingénieurs habiles dont la présence ne peut manquer de faire sentir ses effets, pourvu que l’appui des autorités leur soit continué. Si je suis bien informé, une des améliorations les plus efficaces et les plus simples en même temps qu’on pourrait attendre du gouvernement bolivien serait de supprimer l’hôtel des monnaies de Potosi, qui absorbe une somme relativement énorme, plusieurs centaines de mille piastres, et qui n’est d’aucun service à l’état. Si ce que coûte cet inutile établissement était consacré avec intelligence aux voies de communication qui, dans toute la Bolivie, sont dans un état impossible à décrire, et sur lesquelles, pour une distance donnée, les frais de transport sont vingt-cinq ou trente fois plus grands que par notre roulage, après un délai de quinze à vingt ans, ce serait, pour le pays et surtout pour les mines, un bienfait inappréciable. On obtiendrait des résultats non moins heureux, si, en supprimant cette dépense de l’hôtel des monnaies, exorbitante pour le trésor de l’état, on en faisait servir une partie à créer à Paris une institution où vingt-cinq ou trente jeunes gens, choisis parmi l’élite de la jeunesse bolivienne, seraient élevés, aux frais de la république, de manière à importer dans leur patrie les connaissances sur lesquelles se fondent les arts les plus essentiels de la civilisation. 50,000 piastres par an suffiraient à l’entretien d’un établissement aussi profitable.

Il n’est pas possible de dégager d’une assez grande incertitude la production totale de la mine du Potosi depuis l’origine. Un seul point est parfaitement certain, à savoir qu’elle est immense. D’après les renseignemens officiels qui avaient été envoyés à M. de Humboldt, de 1556 à 1789, elle aurait été de 788,258,500 piastres ; il avait ajouté pour les onze premières années 127,500,000 piastres. Un fonctionnaire du Potosi, le tesorero don Lamberte Sierra, cité par M. de Humboldt, a évalué la production, de 1556 à 1800, à 823,950,508 piastres, ce qui, déduction