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lesquelles ce savant est tombé. MM. Lindberg et Falbe rédigent en commun un immense travail descriptif et explicatif concernant tous les monumens numismatiques phéniciens et puniques. Enfin M. le duc de Luynes imprime un magnifique travail sur les monnaies à légendes phéniciennes des satrapes, travail qui sera suivi de recherches non moins importantes sur la belle et rare série numismatique que l’on avait jusqu’ici classée pêle-mêle sous le nom de Médailles incertaines de la Cilicie. Nous avons d’ailleurs tout lieu d’espérer que bientôt les monumens épigraphiques puniques seront si nombreux dans nos musées français, que de l’étude comparative de ces précieux débris naîtra forcément un corps de doctrine aussi complet qu’on peut le désirer. Ainsi, depuis quelques années, des inscriptions puniques ont été recueillies en assez grand nombre sur le sol français de l’Algérie. M. le chef d’escadron d’artillerie Delamare, dont on ne saurait trop louer le zèle infatigable et l’amour ardent de l’archéologie, a doté le musée du Louvre d’une immense collection épigraphique dans laquelle rentre naturellement une assez riche série de pierres votives et d’épitaphes puniques, qu’il faudra bien classer un jour comme le méritent des monumens aussi précieux.

De toutes les découvertes récentes, la plus importante, sans aucun doute, est celle d’un document qui vient jeter une lumière inespérée sur la religion carthaginoise, la religion la plus mal connue de toutes celles de l’antiquité classique. L’été dernier, on trouva dans les fondations d’une maison de la vieille ville de Marseille, non loin de l’église de la Major, des fragmens d’une dalle en pierre de Cassis[1], couverte de caractères tout-à-fait distincts des caractères grecs et latins. Un ouvrier maçon les recueillit et les offrit au directeur du musée de Marseille, qui en fit l’acquisition au prix modique de 10 francs. Ces deux fragmens qui se rajustaient à merveille furent déposés au musée, où ils restèrent ignorés pendant quelques semaines. À son passage à Marseille, M. Texier, le courageux explorateur de l’Asie-Mineure, visita le musée, et, à la première vue, il reconnut, dans les deux pierres en question, une inscription phénicienne dont il sentit d’instinct toute l’importance et toute la valeur. Il prit à la hâte un double calque de ce texte curieux ; l’un des deux fut envoyé à M. le ministre de l’instruction publique, l’autre fut emporté par M. Texier, qu’une mission scientifique appelait dans nos possessions d’Afrique. À Alger, il rencontra M. Nicoly Limbery, secrétaire-interprète attaché au parquet de la cour,

  1. La pierre de Cassis est un calcaire qui se trouve aux environs de Marseille, et dont le grain est presque aussi fin que celui de la pierre lithographique. La nature de la pierre employée démontre évidemment que l’inscription punique de Marseille est un monument national et gravé sur place.