Page:Revue des Deux Mondes - 1846 - tome 16.djvu/1084

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

bois bordent chaque chambre, et permettent le jour de s’asseoir les jambes croisées, la nuit de s’étendre sur des nattes ou des coussins. Ordinairement la première chambre sert de divan ; la seconde de harem. Le tout se ferme et se cadenasse hermétiquement, sauf le privilège des rats du Nil, dont il faut, quoi qu’on fasse, accepter la société. Les moustiques et autres insectes sont des compagnons moins agréables encore ; mais on évite la nuit leurs baisers perfides au moyen de Tastes chemises dont on noue l’ouverture après y être entré comme dans un sac, et qui entourent la tête d’un double voile de gaze sous lequel on respire parfaitement.

Il semblait que nous dussions passer la nuit sur la barque, et je m’y préparais déjà, lorsque le reïs, qui était descendu à terre, vint me trouver avec cérémonie et m’invita à l’accompagner. J’avais quelque scrupule à laisser l’esclave dans la cabine ; mais il me dit lui-même qu’il valait mieux l’emmener avec nous.

III. — LE MUTAHIL.


En descendant sur la berge, je m’aperçus que nous venions de débarquer simplement à Choubrah. Les jardins du pacha, avec les berceaux de myrte qui décorent l’entrée, étaient devant nous ; un amas de pauvres maisons bâties en briques de terre crue s’étendait à notre gauche des deux côtés de l’avenue ; le café que j’avais remarqué bordait le fleuve, et la maison voisine était celle du reïs, qui nous pria d’y entrer.

C’était bien la peine, me disais-je, de passer toute la journée sur le Nil ; nous voilà seulement à une lieue du Caire ! J’avais envie d’y retourner passer la soirée et lire les journaux chez Mme  Bonhomme ; mais le reïs nous avait déjà conduits devant sa maison, et il était clair qu’on y célébrait une fête où il convenait d’assister.

En effet, les chants que nous avions entendus partaient de là ; une foule de gens basanés, mélangés de nègres purs, paraissait se livrer à la joie. Le reïs, dont je n’entendais qu’imparfaitement le dialecte franc assaisonné d’arabe, finit par me faire comprendre que c’était une fête de famille enl’lionneur de la circoncision de son fils. — Je compris surtout alors pourquoi nous avions fait si peu de chemin.

La cérémonie avait eu lieu la veille à la mosquée, et nous étions seulement au second jour des réjouissances. Les fêtes de famille des plus pauvres Égyptiens sont des fêtes publiques, et l’avenue était pleine de monde : une trentaine d’enfans, camarades d’école du jeune circoncis (mutahil), remplissait une salle basse ; les femmes, parentes ou amies de l’épouse du reïs, faisaient cercle dans la pièce du fond, et nous nous arrêtâmes près de cette porte. Le reïs indiqua de loin une