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dictionnaire de l’Académie ; mais Corneille et d’autres se sont permis quelques petites libertés de même nature, et M. Génin chercherait vainement le mot alfangés dans le dictionnaire de l’Académie, quoique Corneille l’ait employé dans un passage assez connu, dans le récit du Cid.

Ailleurs M. Génin disserte savamment sur l’étymologie d’un mot fort usité sous l’empire pour désigner ceux qui n’étaient pas militaires, pékin ou péquin. M. Ampère et M. Guessard font venir ce mot de paganus ; M. Génin le fait dériver de cette locution latine : Homo PER QUEM omnia fiunt, un individu qui fait l’homme d’importance. Or, on a fait très justement observer à M. Génin que, sous l’empire, ce n’était guère le bourgeois qui faisait l’homme d’importance, mais bien plutôt le militaire. D’ailleurs, ce mot ne se trouve nulle part, que je sache, avant la fin du siècle dernier ; il faut donc aller chercher ailleurs une étymologie. En voici une, mais bien grossière, tellement que j’ai honte de la citer en un si grave sujet ; mais enfin la voici telle qu’on me l’a communiquée.

Vers la fin de la révolution, beaucoup de militaires se trouvaient en congé et allaient montrer leurs uniformes dans les salons de Paris. Ils y rencontraient les commissaires de canton, notables personnages sans doute, mais qui, tout frais venus de leurs départemens, faisaient assez triste figure à côté des militaires. « Qu’est-ce que ces commissaires de canton ? disaient ceux-ci. D’où sortent ces Chinois-là ? de Canton ou de Pékin ? » Il paraît que ce dernier mot fit fortune, et on continua pendant long-temps à l’appliquer, non plus seulement aux commissaires de canton, mais en général à tous les bourgeois.

Je m’empresse de déclarer que je tiens assez peu à cette étymologie. Toutefois il serait assez piquant qu’elle fût la seule vraie. Ce serait un petit supplément à ajouter à l’histoire de la fameuse inscription : Ici est le chemin des ânes. Si quelque ancien militaire voulait recueillir ses plus lointains souvenirs, peut-être pourrait-il nous édifier sur ce point, et terminer, mieux que l’Académie elle-même, cette dispute de savans.

Venons maintenant à l’ouvrage de M. Francis Wey ; ici nous serons plus à notre aise. L’auteur s’occupe de la langue française actuelle ; c’est un sujet sur lequel chacun peut se croire un peu plus compétent. Cet ouvrage se divise en deux parties. Trois cent dix-sept remarques détachées sur des locutions vicieuses occupent un volume et la moitié du suivant. Le reste du second volume est employé à des remarques sur le style et sur la composition littéraire. Disons d’abord, avant de faire nos restrictions, que le livre de M. Francis Wey est d’une lecture facile et attachante. Il a cela de commun avec le livre de M. Génin ; il en diffère beaucoup, d’ailleurs, et par les opinions et par le style.

Ce n’est pas M. Francis Wey qui irait, avec Malherbe et Paul-Louis Courier, chercher son français à la place Maubert. « L’idiome des