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et la cause de la reine dona Maria. Elle voit s’éloigner d’elle une partie de l’aristocratie portugaise, qui cherche à s’abriter soue le pavillon britannique ou français. Il y a plutôt en Portugal une sorte de dissolution du pouvoir qu’un déchirement violent. L’institution monarchique n’est pas menacée : même le gouvernement de dona Maria, malgré ses fautes, a plus de puissance que le parti insurgé. Toutefois il ne faut pas se dissimuler que les populations n’ont pour la reine et le roi Ferdinand que la plus complète indifférence, sentiment redoutable au jour des grandes crises. La reine a un fils âgé de neuf ans : il faudrait donc, si elle tombait du trône, traverser les embarras d’une régence, et cette régence, à qui la confier ? Toutes ces éventualités préoccupent une partie de la noblesse et de la nation ; mais on ne sent nulle part une force capable de rendre au gouvernement du Portugal quelque cohésion et quelque unité.

Dans nos affaires d’Afrique la délivrance de M. Courby de Cognord et de ses compagnons de captivité forme comme un épisode plein d’imprévu et d’intérêt. Elle nous révèle en outre une situation dont, sans doute, l’habileté de nos généraux en Algérie saura tirer parti. Abd-el-Kader avait lui-même proposé à M. le maréchal Bugeaud un échange de prisonniers, l’échange avait été accepté. Tout à coup l’émir manifeste d’autres intentions : il ne se préoccupe plus de rendre la liberté à ceux des siens que nous retenons captifs ; ce qu’il veut, c’est de l’argent, et il nous remet ses prisonniers français moyennant une somme qui, après avoir été débattue, est fixée à 36,000 fr. Les Arabes, selon une lettre écrite d’Afrique, ne pouvaient croire à une transaction aussi honteuse de la part de l’émir. Enfin ils ont dû se rendre à l’évidence, et alors on les a entendus s’écrier « Cela ne s’est vu jamais, cela ne se verra plus ? » Cependant les parens et les amis des prisonniers arabes qui sont en notre pouvoir s’étaient jetés aux pieds de l’émir pour le conjurer de s’en tenir aux premières conventions ; il est resté sourd à leurs prières, il avait besoin d’argent. La détresse de l’émir, sans la justifier, explique sa conduite. Réduit à l’impuissance d’entamer notre frontière et nos colonnes, Abd-el-Kader avait été chercher fortune dans le sahara marocain. Il n’y fit pas de razzias fort abondantes, et même le peu qu’il avait pillé lui fut enlevé au retour les Alafs mirent en déroute son kalifa Bou-Hammedi, qu’il avait chargé de ramener les prises à la deïra. C’est alors qu’il préféra notre argent à la délivrance de ses compagnons et de ses amis. Par une semblable conduite, il a détruit lui-même le prestige qui l’environnait. Le jour où il a rendu ses prisonniers, l’émir a envoyé à Oran un agha de sa cavalerie chargé d’une mission auprès du gouvernement français, on disait même d’une lettre pour le roi. C’est à la prudence de nos généraux, des représentans de la France, d’éviter tout ce qui pourrait relever Abd-el-Kader aux yeux des Arabes.

Dans le monde des affaires, depuis quinze jours, les esprits se sont singulièrement rassurés. Il est arrivé ce qu’on a déjà vu à différentes époques de crise d’argent, c’est que le mois de nombre a été le plus mauvais, et que le commerce n’ayant pas attendu la fin de l’année pour préparer ses paiemens du 31 décembre, les escomptes, au lieu d’augmenter, comme on pouvait le craindre, diminuent sensiblement ; Les réserves de la Banque de France en numéraire se sont accrues par des rentrées suffisantes, et le conseil d’administration, saisi de plusieurs propositions dont la nouvelle avait jeté l’effroi, a pu ne pas s’y arrêter et les ajourner, puisque la situation s’améliorait. D’un autre côté, les grains sur