Page:Revue des Deux Mondes - 1846 - tome 16.djvu/1133

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
1127
REVUE. — CHRONIQUE.

divers marchés ont baissé. Beaucoup de navires chargés de froment sont entrés dans les ports de la Méditerranée, et Marseille en attend encore plus de quatre cents, que les vents contraires empêchent de mettre à la voile. Les ordres d’achat à l’étranger du ministre de la guerre ont aussi produit le meilleur effet ; de grandes maisons anglaises ont fait plusieurs expéditions de numéraire. Enfin les versemens si redoutés des actions du chemin de Lyon se font à merveille. Nous pensons que la hausse, qui a été constante à la Bourse depuis quelques jours, doit durer, car elle a été modérée et progressive, et la facilité avec laquelle l’argent arrive dans les caisses de la compagnie de Lyon doit confirmer nos prévisions, en montrant que dorénavant les titres se trouvent en bonnes mains. Il est permis aussi d’espérer que la plupart des compagnies obtiendront du gouvernement des modifications à leurs concessions. Ainsi, il serait question de débarrasser le chemin de Lyon à Avignon du malencontreux embranchement de Grenoble, et de celui sur Castres la compagnie du chemin de Bordeaux à Cette. Ces bonnes dispositions faciliteraient singulièrement l’exécution des chemins votés, et nous ne pouvons qu’y applaudir. En effet, plusieurs compagnies, devant le découragement de leurs souscripteurs, ont agité sérieusement la question d’abandonner leur cautionnement, plutôt que de commencer des travaux pour l’achèvement desquels les seconds versemens ne se feraient pas. L’exemple des actionnaires de Fampoux à Hazebrouck était là. Ne serait-il pourtant pas indigne du gouvernement de profiter de pareilles clauses et de bénéficier là où tant d’intérêt seraient en souffrance ? Ce qu’il faut, c’est que les chemins se fassent. Si la confiance publique ne prête plus son concours à de si vastes entreprises, le gouvernement doit les reprendre pour les mener à bien avec tous les moyens dont il dispose, et non pas faire subir une sorte d’exécution draconienne à des actionnaires qui se sont arrêtés devant des inquiétudes générales dont on ne saurait avec justice les rendre responsables.


SITUATION DES PARTIS AUX ÉTATS-UNIS.

Les changemens qui s’accomplissent depuis quelque temps dans la situation intérieure des États-Unis méritent une attention sérieuse. Ils sont à la fois très curieux pour l’histoire particulière de la grande république, très intéressans pour la conduite et l’avenir de nos propres relations avec elle.

Le caractère des partis, leurs tendances générales, leurs prétentions distinctives, semblent aujourd’hui se modifier profondément en Amérique. On a dit ici que les whigs allaient reprendre enfin l’ascendant et que les démocrates perdaient peu à peu tout le terrain ; ce n’est point là l’exacte vérité du moment, et ce n’est même qu’à moitié le résultat définitif qui se prépare ; au fond, whigs et démocrates se relâchent réciproquement de la rigueur originelle de leurs principes, et par suite de circonstances qu’il est bon d’étudier, passent, pour ainsi dire, de part et d’autre dans le camp qu’ils étaient habitués à regarder comme ennemi. Nous avons souvent insisté pour montrer comment en Angleterre le dernier ministère de sir Robert Peel avait amené une véritable dislocation des anciens partis politiques,