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il serait hasardeux pour une colonie naissante de débuter par ces cultures ; mais nous nous plaçons dans l’hypothèse où des conditions favorables auraient été assurées par l’accord du gouvernement et des spéculateurs. La réussite des plantes oléagineuses, comme le colza et le sésame oriental ; n’est pas douteuse en Algérie. M. Moll pense néanmoins que ces produits sont d’un intérêt médiocre dans un pays où l’olivier est très commun. Il recommande au contraire d’essayer le ricin, qui donnerait des profits, en raison de la facilité de sa culture, si son huile abondante, utilisée seulement en pharmacie, pouvait être employée à la fabrication du savon. Le directeur de la pépinière d’Alger a pourtant publié sur le sésame des calculs bien séduisans. Cette graine, dont la France achetait pour 8 à 10 millions avant la dernière révision du tarif, a fourni par hectare 1,475 kilogrammes ; à raison de 50 francs par quintal métrique, ce serait une valeur de 707 fr., qui, déduction faite des frais de culture estimés à 259 fr., laisseraient en produit net 478 fr. On cite encore, parmi les cultures lucratives, le pavot blanc, dont on tire l’opium : un are donne, dit-on, jusqu’à 30 ou 40 fr. de revenu. M. Moll ne pense pas que la garance puisse être cultivée en Afrique avec plus d’avantage que dans le midi de la France. La récolte de l’indigotier n’est lucrative que dans les bonnes années. Quant à la canne à sucre, il est certain qu’elle pourrait être naturalisée ; mais le succès de l’industrie sucrière dépend bien moins de la fécondité de la terre que du travail de l’atelier. Bien des années se passeraient avant que les sucreries africaines fussent montées de manière à rivaliser avec les grandes manufactures des Antilles et les usines de nos départemens du nord. Au surplus, si les colons étaient tentés de faire un essai, la canne à sucre leur offrirait, comme dédommagement, un fourrage abondant et d’excellente qualité.

Dans un pays dont la salubrité ne doit pas être compromise, il importe de surveiller les entreprises qui menacent la santé publique. Quelques personnes pensent donc que la culture du lin et celle du chanvre devront être restreintes à cause des inconvéniens du rouissage. Si diverses méthodes de macération proposées en ces derniers temps reçoivent la sanction de l’expérience, l’Algérie fournira facilement à nos manufacturcs les filasses qu’on demande aujourd’hui au commerce étranger. Deux produits intéressent particulièrement l’avenir de notre colonie, parce qu’ils deviendront la base des plus grandes spéculations : ce sont le coton et le tabac. Une somme de 140 millions, la huitième partie de ce que la France achète à l’étranger, est consacrée chaque année à l’acquisition des cotons en laine et des tabacs en feuilles. L’Afrique française peut fournir abondamment ces deux substances, et en qualité supérieure. Les bénéfices qu’on entrevoit dans le cas où ces exploitations deviendraient florissantes suffiraient pour indemniser la métropole de