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adultes et sans famille demanderaient des salaires d’autant plus élevés que l’éducation des vers à soie coïnciderait avec l’époque où tous les bras sont mis en réquisition pour les travaux des champs. Même inconvénient pour le thé, dont la production serait favorisée par les circonstances physiques, mais qui ne se soutiendrait pas même à Alger contre les thés venus de la Chine, s’il fallait payer de fortes journées pour la cueillette et la dessiccation. Ces difficultés seraient en effet insurmontables, si notre colonie continuait à se peupler au hasard de petits laboureurs isolés et nécessiteux, ou même de ces grands concessionnaires qui voudraient obtenir beaucoup de terres et risquer peu d’argent. Au contraire, dans la supposition où des sociétés puissantes intéresseraient à l’entreprise un nombre de familles proportionné aux occupations variées d’un grand domaine, la possibilité de procurer un petit gain aux femmes, aux vieillards, aux enfans, deviendrait une des conditions de la réussite. Sans en venir même aux grandes combinaisons financières, la terre africaine serait assez généreuse pour payer la plupart des travaux qui doivent la féconder. Telle est, au sujet de l’industrie séricicole, la conviction de plusieurs propriétaires qui ont dès à présent ouvert un large champ à la culture du mûrier, et qui attendent les plus beaux résultats de l’éducation des vers à soie. Il est vrai que M. Hardy, l’habile agronome préposé à la pépinière d’Alger, leur a fait entrevoir des chances bien séduisantes. Qu’on se représente un hectare de ces terres que les broussailles et les palmiers nains rendent impraticables. Trop mauvais pour qu’on essaie d’y mettre la charrue, ce terrain est défriché par plaques, c’est-à-dire qu’on y creuse seulement les trous nécessaires à la plantation des arbustes. Les trous pratiqués à 5 mètres de distance en tous sens sont au nombre de 361. Les frais de défoncement à raison de 1 fr. 25 cent. par trou, l’achat de 361 tiges de mûrier à 50 cent., la plantation à 50 cent. par pied, l’arrosage indispensable du moins pendant la première année, l’entretien jusqu’à l’époque où on commence à récolter, c’est-à-dire pendant six ans, enfin l’intérêt de toutes les avances faites pendant cette première période, à raison de 5 pour 100, portent l’acquisition de l’hectare à 2,733 francs. Déjà on peut recueillir 108 quintaux métriques de feuilles à 4 francs le quintal : c’est une rente de 432 francs ou 15 pour 100 du capital engagé. Si le propriétaire ne trouve pas le débit de ces feuilles, qu’il mette à l’éclosion 340 grammes d’œufs de vers à soie : il a chance d’avoir au bout de six semaines 660 kilogrammes de cocons qui représentent 1,210 francs, déduction faite des frais d’éducation. Qu’il porte ses cocons à la filature du gouvernement pour les convertir en soie grège, il obtiendra 55 kilogrammes de soie à 50 francs, soit une somme de 2,750 francs, laquelle, après paiement de 330 francs pour frais de dévidage, laissera encore un bénéfice net de 2,420 francs, revenu presque égal pour une seule année