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dont la traduction ne soit pas trop compromettante : — C’est l’hôtellerie des chevaliers, de los caballeros ; dix-sept preux tous à cheval, todos a caballo ; il passait auprès de moi, comme une flèche, pasa como una saeta ; vous êtes soldat, sois soldado. — Ainsi à chaque page. Ce n’est pas difficile à comprendre, et cela donne un air d’érudition qui ne messied pas à un professeur de langues méridionales.

Nous nous sommes à regret montré sévère pour un écrivain dont nous aimons le talent, et dont nous regrettons de voir les poétiques élans détournés au profit de théories infécondes. En effet, dans aucun des derniers ouvrages de M. Quinet, on ne retrouve plus marquée la différence qui sépare l’inspiration vraie de l’exaltation factice produite par des influences étrangères à l’art. Les Vacances en Espagne contiennent une quarantaine de pages vraiment charmantes et qui contrastent agréablement avec le ton général de l’ouvrage. Ici M. Quinet s’est montré vif, élégant, attachant, et les élucubrations du publiciste donnent, s’il se peut, plus de prix à cette fantaisie de l’artiste. Si un tel vœu était possible, nous exprimerions le souhait de voir détacher du reste de l’ouvrage le récit et les fragmens dont nous avons parlé plus haut. Réduit ainsi des deux tiers, le livre, à coup sûr, n’y perdrait rien.


— LES ARTS EN PORTUGAL, lettres adressées à la Société artistique et scientifique de Berlin, par le comte H. Raczynski[1]. — Les productions de la peinture et de la sculpture portugaises sont à peu près inconnues non-seulement en France, mais dans les autres pays de l’Europe. Les musées les plus riches en renferment à peine quelques faibles échantillons ; le Louvre, entre autres, ne contient que deux tableaux (un Ecce homo et une Communion de saint Paul), dus à un Portugais, Vasco Pereyra. Encore cet artiste, ayant passé une partie de sa vie à Séville, où il mourut en 1618, doit plutôt être rattaché à l’école espagnole. En outre, les biographies les plus complètes ne mentionnent guère d’autres noms que ceux de Gaspar Diaz et de Campello. M. de Raczynski, auquel on doit déjà une Histoire de l’art moderne en Allemagne, a donc rempli une tâche utile en publiant les documens et les notes qu’un séjour prolongé en Portugal lui a permis de recueillir sur l’histoire des arts dans ce royaume. Nous allons donner un résumé rapide des faits les plus importans consignés dans son livre.

Quelques miniatures, un tableau d’autel représentant le roi Denis (mort en 1325) et sa famille, les décorations maintes fois retouchées du palais de Cintra, telles sont à peu près les seules productions connues de la peinture portugaise jusqu’au milieu du XIVe siècle. « Avant Emmanuel, dit M. Raczynski, nous rencontrons bien quelques noms isolés ; mais jusqu’ici je ne puis encore me persuader que la peinture ait été florissante avant 1500, et elle ne l’a été ni en Espagne ni en Portugal. » Mais tout changea de face sous le règne brillant d’Emmanuel-le-Fortuné (1495-1521). Alors les arts prirent un développement en rapport avec la civilisation du reste de l’Europe, et, pendant que les Portugais allaient étudier sous Raphaël et Michel-Ange, des artistes italiens, et surtout des Allemands, des Flamands et des Hollandais, vinrent se fixer en Portugal. Le mouvement imprimé par Emmanuel se continua sous ses successeurs, et ce fut dans les dernières années du règne de dom Sébastien (mort en 1578) et pendant

  1. Un vol. in-8e, chez Renouard, à Paris.