Page:Revue des Deux Mondes - 1846 - tome 16.djvu/294

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

mollusques, et découvrait chaque jour quelque complication inattendue. Pour ma part, j’avais à profusion des némertes et des mollusques phlébentérés. On voit que nous ne manquions pas de besogne ; aussi mettions-nous le temps à profit, et du matin au soir nos travaux n’étaient guère interrompus que par les rares visites de quelque Favignanais curieux de vérifier par lui-même l’exactitude des bruits qui couraient sur la puissance merveilleuse de nos instrumens.

Les études sur la circulation des mollusques commencées à Favignana par M. Milne Edwards et continuées pendant tout le reste du voyage, les observations que des recherches nouvelles sur les phlébentérés me conduisirent à faire relativement au même sujet, ont amené, on le sait, des discussions très vives, et dont le retentissement s’est fait entendre parfois jusqu’au dehors des enceintes académiques. Dans un précédent article, j’ai cherché à donner aux lecteurs de la Revue une idée de cette discussion, considérée dans ce qu’elle avait de plus circonscrit[1] ; mais les faits dont il s’agit touchaient à des questions beaucoup plus générales. Dans une espèce d’avant-propos placé en tête de l’exposé de ses recherches, M. Milne Edwards montra combien certains résultats, inexplicables au premier abord, devenaient faciles à comprendre lorsqu’on prenait pour guide le principe de la division du travail dont nous avons parlé ailleurs[2]. De nombreuses recherches ne tardèrent pas à être entreprises et se poursuivent encore dans cette direction par plusieurs savans français ou étrangers, et les résultats, en justifiant l’intérêt qui s’attachait à cet ensemble d’idées, n’ont pas tardé à confirmer chaque jour davantage les principes, ou, pour parler plus exactement, les tendances de cette école physiologique qu’avait accueillie une si violente opposition. Essayons d’en donner une idée.

On sait qu’une des principales différences qui séparent les corps bruts des êtres vivans consiste dans la nécessité où sont ces derniers de se nourrir. Une fois formé, le minéral, placé à l’abri d’actions extérieures, durera éternellement sans rien perdre, sans rien gagner. Dans le végétal, dans l’animal, une sorte de tourbillon incessant expulse continuellement de l’organisme quelques-uns des élémens qui en firent partie. Ces élémens doivent être remplacés par d’autres, et la nutrition n’a pas d’autre but. Quatre fonctions importantes s’accomplissant elles-mêmes à l’aide de plusieurs fonctions secondaires, concourent à l’accomplissement de cet acte fondamental : la digestion, qui prépare les alimens ; l’absorption, qui sépare les parties inutiles, isole les principes essentiels et les fait pénétrer dans l’organisme ; la circulation, qui transporte

  1. Mélanges scientifiques dans la Revue des Deux Mondes du 1er juin 1845.
  2. Souvenirs d’un Naturaliste, l’Ile de Bréhat, dans la Revue des Deux Mondes du 15 févriers 1841.