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rendirent à ses armes ; l’amiral Byron, après un engagement où il faillit perdre trois de ses vaisseaux, fut contraint de se réfugier à Saint-Christophe, et, si nous eussions su poursuivre nos avantages, nous nous emparions sans peine de la Jamaïque. Malheureusement les nouvelles que le comte d’Estaing reçut à cette époque des côtes d’Amérique lui persuadèrent que la cause de l’indépendance était compromise, et il quitta subitement la mer des Antilles pour voler au secours des États-Unis.

Ce fut alors que le gouverneur-général de la Jamaïque, délivré des inquiétudes que lui avait causées la présence de la flotte française dans les ports de Saint-Domingue, se décida à mettre à exécution le projet audacieux qu’il avait formé de s’emparer du fort de San-Juan de Nicaragua. Par la possession de ce fort, bâti sur la rivière qui coule du lac Nicaragua dans l’Atlantique, il comptait intercepter les communications qui, par l’isthme de Panama, avaient lieu entre les deux mers, et, comme il le disait, couper en deux l’Amérique espagnole. La partie maritime de cette importante expédition fut confiée aux soins de Nelson, bien qu’il n’eût alors que vingt-deux ans. Cinq cents hommes partirent de la Jamaïque au commencement de l’année 1780, sous l’escorte de sa frégate, et furent mis à terre au cap Gracias à Dios, dans la province de Honduras. On s’y procura quelques auxiliaires indiens, on y reçut quelques renforts, et, ayant rembarqué les troupes qui avaient déjà souffert de leur campement dans une plaine marécageuse et malsaine, on descendit la côte des Mosquitos. La mission de Nelson devait se borner à transporter les troupes anglaises à l’embouchure de la rivière de San-Juan ; mais, arrivé là, il ne put se résigner au rôle inactif qui lui avait été imposé, et s’offrit à conduire l’expédition jusque sous les murs du fort dont elle devait s’emparer. Il fit embarquer deux cents soldats sur les canots de sa frégate et sur les pirogues que fournirent les Indiens, et remonta avec eux la rivière. Il marchait à leur tête quand ils prirent d’assaut, ou, selon son expression, enlevèrent a l’abordage la batterie de Saint-Barthélemy, qui, construite sur une petite île au milieu de la rivière, en commandait le cours dans une des parties les plus rapides et les plus difficiles. Ce ne fut qu’après dix-sept jours de fatigues inouïes que les Anglais arrivèrent en vue du château de San-Juan, situé à environ trente-deux milles du lac de Nicaragua et à soixante-neuf de l’embouchure de la rivière. Portant déjà dans les conseils la même énergie et la même résolution que dans les combats, Nelson était d’avis de monter immédiatement à l’assaut. Il savait que la mauvaise saison allait arriver, et qu’il n’y avait point de temps à perdre. Ce parti vigoureux était peut-être le plus sage, mais on préféra un siège en règle, et il est probable qu’une attaque de vive force eût coûté moins de monde que n’en coûtèrent les onze jours de siége pendant lesquels les fièvres, et la dyssenterie commencèrent leurs ravages dans l’armée. Il fallut