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LE NÉOPHYTE.

Des princesses et des comtesses qui, en abandonnant leurs maris, ont embrassé notre foi.

LE COMTE.

Femmes, anges que j’ai servis, aimés !… Mais la foule l’entoure et le cache. Au bruit de la musique, je reconnais qu’il s’éloigne. Suis-moi, suis-moi, nous verrons mieux de là. (Il monte sur un débris de muraille.)

LE NÉOPHYTE.

Aïe ! aïe ! chacun va nous voir.

LE COMTE.

Je l’aperçois encore. D’autres femmes le suivent, pâles, égarées, en proie aux convulsions. Le fils du philosophe écume et brandit son poignard. Ils s’approchent maintenant des ruines de la tour du nord. Ils s’arrêtent ; ils dansent sur les décombres, ils arrachent les arceaux. Sur les autels ils jettent le feu et les croix brisées. Le feu s’allume, les colonnes de fumée s’élèvent en tourbillons. Malheur à vous ! malheur !

LÉONARD.

Malheur aux hommes qui maintenant se courbent encore devant le dieu mort !

LE COMTE.

Les vagues noires de la foule se retournent, se replient et se dirigent vers nous.

LE NÉOPHYTE.

O Abraham !

LE COMTE.

0 mon aigle ! n’est-ce pas que mon heure n’est pas encore venue ?

LE NÉOPHYTE.

Nous sommes perdus !

LÉONARD, l’arrêtant.

Qui es-tu, frère, avec un visage si hautain ? Pourquoi n’es-tu pas avec nous ?

LE COMTE.

J’ai appris votre soulèvement, et j’accours de loin. Je suis l’assassin du club espagnol. C’est d’aujourd’hui seulement que je suis arrivé.

LÉONARD.

Et cet autre, pourquoi se cache-t-il dans son manteau ?

LE COMTE.

C’est mon frère cadet. Il a juré de ne montrer à tous son visage que lorsqu’il aurait déjà tué au moins un baron.

LÉONARD.

Et toi, de la mort de quel personnage te vantes-tu ?

LE COMTE.

Ce n’est que deux jours avant mon départ que mes frères m’ont sacré.

LÉONARD.

Et alors qui penses-tu tuer ?

LE COMTE.

Toi le premier, si tu nous deviens infidèle.