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la supposition bizarre que ces conduits servaient aussi à faire parvenir du dehors des alimens aux personnes qui s’enfermaient pour le reste de leur vie avec le corps du prince. C’est ce bon Maillet dont s’est moqué Voltaire :

Notre consul Maillet, non pas consul de Rome,
Sait comment autrefois fut fait le premier homme.


Il sait aussi ce que faisaient ces reclus comme s’il avait eu sur leur compte des renseignemens particuliers. « C’était par là que ces personnes, dit-il, recevaient de la nourriture et tout ce dont elles pouvaient avoir besoin Elles avaient sans doute fait provision pour cet usage d’une longue cassette proportionnée à la grandeur de ce canal ; à cette cassette était attachée, pour les personnes renfermées dans la pyramide, une longue corde par le moyen de laquelle elles pouvaient tirer la cassette à elles, et une autre qui y tenait de même pendait à l’extérieur, afin que réciproquement on pût retirer la cassette au dehors. »

Ne semble-t-il pas que Maillet a vu l’opération et assisté au repas ? En vérité, les pyramides ont suggéré bien des idées étranges. Tout ce qui fait beaucoup parler les hommes leur fait dire beaucoup de sottise. Cinq chambres plus basses sont placées au-dessus de la chambre de roi ; on a reconnu qu’elles n’ont pas d’autre objet que d’alléger par leur vide le poids de la masse énorme de maçonnerie qui la presse. Après avoir visité cette chambre, on redescend la pente qu’on a gravie pour y monter, on retrouve le corridor par lequel on est entré, et, en le reprenant où on l’a quitté, on arrive dans une autre chambre placée presque au-dessous de la première et dans l’axe central de la pyramide ; cette chambre s’appelle la chambre de la reine. Beaucoup plus bas est une troisième chambre taillée dans le roc, et à laquelle on arrive soit par un puits, soit par un passage incliné qui va rejoindre l’entrée de la pyramide.

Telle est la disposition de la grande pyramide, celle des deux autres est analogue : seulement leur maçonnerie n’offre, aucun vide, et les chambres qu’elles renferment creusées dans le roc. Devant ces simples faits tombent beaucoup d’hypothèses sur la destination des pyramides. Il faut renoncer à y mettre la scène des initiations mystérieuses de l’Égypte, comme le faisait l’auteur de Séthos, et comme l’a fait l’auteur de l’Épicurien. Ce qui était peut-être encore permis au commencement du XVIIIe siècle l’est moins au XIXe, et c’est, il faut l’avouer, une singulière hardiesse à Thomas Moore d’avoir placé tant d’aventures et de merveilles dans l’intérieur et dans les environs des Pyramides. Après les explorations de nos savans, il était étrange d’y supposer des régions inconnues. Aujourd’hui on est encore plus certain de n’avoir rien à découvrir en ce genre. Depuis les recherches méthodiques