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sang ? Derrière moi je ne vois que la vaste cour du château. Nous sommes seuls, et je sens comme s’il y avait quelqu’un ici.

LÉONARD.

Parlez-vous de ce cadavre mutilé ?

PANCRACE.

C’est le corps de son serviteur fidèle. Il est mort ; mais un esprit, l’esprit de je ne sais qui, plane ici. Voyez, Léonard, cette pierre noire qui sort du précipice : c’est là que son cœur s’est déchiré en morceaux.

LÉONARD.

Maître, tu pâlis, maître…

PANCRACE.

Vois-tu, là-haut, là ?

LÉONARD.

Je ne vois qu’un nuage qui se penche sur la crête du rocher, et qui est rouge des rayons du soleil couchant.

PANCRACE.

Un signe épouvantable brille là.

LÉONARD.

Appuie-toi sur mon bras ; ta figure me semble encore plus pâle.

PANCRACE.

Des millions d’hommes, des peuples tout entiers, m’obéissent. Où est mon peuple ?

LÉONARD.

Mais l’on entend d’ici ses cris. Ton peuple t’attend, il demande après toi sans doute. De grace ! détache de ce rocher tes yeux qui s’éteignent.

PANCRACE.

Il est debout, percé de trois clous qui sont autant d’étoiles ; ses bras s’étendent comme deux éclairs…

LÉONARD.

Mais je ne vois rien. Maître, ranime-toi !

PANCRACE.

VICISTI, GALILEE ! (Il tombe raide mort.)