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à saint-Augustin. Aujourd’hui les nationalités modernes ne sont pas menacées par quelque invasion, par quelque puissance irrésistible ; seulement elles s’effacent peu à peu ; sous l’influence d’un cosmopolitisme qui les envahit, et dont il faut reconnaître la double cause dans les croyances religieuses et les idées philosophiques. Il est difficile de prévoir où s’arrêtera cette pente à l’uniformité que nous signalions en commençant ces pages, et qui oblitère tant l’originalité des peuples que celle des individus. Au surplus, chaque époque a son sens et sa valeur. S’il n’est que trop vrai que les mœurs se décolorent et que les caractères faiblissent, le monde se soutient par le mouvement et l’élaboration des idées. A côté d’une sorte de prostration morale, il y a en Europe une fermentation intellectuelle qui garantit l’avenir. A la fin de ce long travail dont nous signalions naguère les principaux élémens[1], il n’y aura de triomphe exclusif ni, pour l’esprit chrétien, ni pour l’esprit philosophique. Tous deux, en dépit de leurs vieilles inimitiés, auront conspiré au même but, au perfectionnement des idées morales, à la transformation des croyances religieuses. Le christianisme lui-même n’a-t-il pas reconnu dès son début que la religion était progressive dans son essence, puisqu’il a trouvé son origine dans son divorce avec l’immobilité du mosaïsme ? Alors, quand la foi et la raison auront arrêté les bases d’un nouvel accord, peut-être les retardataires de l’hébraïsme penseront-ils qu’il est temps de se rallier au genre humain.

LERMINIER.

  1. Les Destinées de la Philosophie antique. — Revue des Deux Mondes du 1er mai 1846.